C’est Isa Campo, la coscénariste de Icíar Bollaín, qui lui a suggéré l’idée de raconter cette histoire qui s’est passée de 2000 à 2011. La cinéaste, qui a lu des interviews dans le journal El País à propos de ces rencontres entre terroristes de l’ETA et victimes, se rappelle :
"Elles étaient tellement puissantes, racontaient une histoire incroyable qui consistait pour les deux bords à s’asseoir ensemble et à parler… Mais à l’époque, je ne pensais pas du tout en faire un film. Et puis quand des producteurs m’ont approchée, je me suis dit que c’était la bonne occasion."
"On a alors décidé de raconter l’histoire vraie de Maixabel Lasa qui était l’une des onze personnes qui avaient accepté de parler avec les ex-membres de l’ETA, car son histoire était encore plus remarquable."
"La plupart de ces onze personnes ont rencontré des ex de l’ETA qui n’étaient pas liés directement aux attaques dont elles furent victimes alors que Maixabel a été confrontée à l’homme qui avait assassiné son mari."
Icíar Bollaín avait déjà fait tourner Luis Tosar dans Ne dis rien (2003), Même la pluie (2010), Fleurs d'un autre monde (1999) et Mataharis (2007). Par ailleurs, l'acteur est habitué au système carcéral puisqu'il avait campé un détenu violent dans Cellule 211.
Si Maixabel est le personnage central de Repentis, Icíar Bollaín consacre aussi une bonne partie du film aux ex-terroristes. Elle précise : "À l’évidence, on a d’abord approché Maixabel et sa fille, mais dans la conversation, ceux de l’autre côté nous sont également apparus forts."
"On a alors creusé sur ces hommes qui avaient et on s’est aperçu qu’on en savait peu sur eux. Déjà, il y avait une dissidence au sein même de l’ETA. Il y avait environ 600 membres de l’ETA en prison et la plupart considéraient qu’ils ne faisaient plus partie de l’organisation mais ne voulaient pas que ce soit rendu public."
"Le gouvernement leur a offert la possibilité d’être emprisonnés dans une prison plus proche du Pays Basque à condition de dire publiquement qu’ils quittaient l’ETA, qu’ils regrettaient leurs actions criminelles et qu’ils renonçaient définitivement à la violence comme moyen politique."
"Sur les 600 membres emprisonnés, seulement une vingtaine a accepté cet accord. Ça me semblait intéressant de connaître le cheminement de ces vingt hommes, d’où ils venaient, comment ils étaient passés du statut de héros à celui de traître, comment réagissaient leurs familles…"
"Ils avaient justifié leurs assassinats au nom de l’indépendance du Pays Basque, mais comment réagissaient-ils après avoir réalisé et reconnu que leurs actions violentes étaient horribles et injustifiables ?"
Icíar Bollaín a travaillé avec le chef opérateur Javier Aguirre. Habituellement, la réalisatrice connaît à l’avance ses mises en place de caméras et effectue elle-même ses story-boards. Elle a toutefois changé ses habitudes avec cette collaboration : "Avec Javier, on a effectué ce travail ensemble, à quatre mains : c’était formidable parce que Javier a amené un autre regard, une autre sensibilité."
"On avait une référence plastique commune qui était Dark waters, le film de Todd Haynes, avec sa colorimétrie de bleu, de gris et de brun. On s’est inspiré de ce film pour la sobriété chromatique."
Les Repentis possède une portée universelle parce qu’il traite d’un processus de justice où sont confrontés victimes et bourreaux (le film sort en France l’année du procès des attentats du 13 novembre 2015 et pendant la guerre en Ukraine, marquée par de très probables crimes de guerre) :
"Ce processus a été utilisé en Afrique du Sud, au Rwanda, il l’est actuellement en Colombie… On utilise cette méthode partout où la violence s’est déchaînée parce qu’il faut faire quelque chose pour pouvoir vivre après", explique Icíar Bollaín, en poursuivant :
"La violence laisse des sociétés entières traumatisées, divisées, détruites, et il faut traiter toutes ces questions pour les cicatriser. C’est important pour les victimes, c’est un début de réparation, ça les aide à être actives, à sortir du statut de victime, à devenir protagonistes de leur propre tragédie."
"Pour l’autre camp, c’est une opportunité pour amener une petite dose de bien dans le mal qu’ils ont répandu. Maixabel disait « ces gens vont un jour sortir de prison, il vaut mieux qu’ils soient repentis ». Ils vont revenir dans la société, alors quel intérêt s’ils ont les mêmes idées et projets qu’avant ?"
"Il vaut mieux qu’ils réintègrent la société en étant meilleurs, en ayant pris conscience de l’horreur de leurs actes. Alors oui, ce film est universel. Mais il est aussi ouvert à la controverse dans la mesure où certains ne croient pas à ce processus de confrontation ni à la sincérité des repentis."