Maixabel (Les repentis) est le nouveau film d’Icíar Bollaín, après Yuli (2018) et Le mariage de Rosa (2020) en revenant à un sujet historique espagnol des années 2000 lors de l’assassinat du politique socialiste et gouverneur de Guipzcúo entre 1994 et 1996, Juan María Jáuregui par l’organisation terroriste basque, l’ETA, dont celui-ci avait fait partie du groupe durant la dictature de Franco jusqu’en 1972 où il rejoint le Parti Communiste ensuite. Voici l’introduction du film, s’ensuit alors la deuxième partie du film, et majorité de celui-ci où onze ans plus tard, Icíar Bollaín tend à raconter la confrontation entre la veuve de ce dernier, Maixabel Lasa avec les deux assassins de son mari, Ibon Etxezarreta et Luis Carrasco, à la prison Naclares de la Oca à Álava où un dialogue étrange, confus et compliqué se crée entre la victime et le(s) criminel(s) qui accompagne précisément le mouvement de cessez-le-feu et la fin du terrorisme basque d’ETA stipulée en 2011. En effet, tout tourne autour de l’acceptation de ces entretiens, l’avant entretien, le moment T de celui-ci puis l’après entretien et ses conséquences, et ces trois temps sont très différents mais très intéressants.
Le film obtint un grand succès en Espagne, précisément au Pays Basque lors du Festival de San Sebastián mais également lors des Goyas 2022 en remportant trois trophées suivants : meilleure actrice pour Blanca Portillo (qui le mérite amplement vu son interprétation remarquable en tout point), meilleur acteur dans un rôle secondaire pour Urko Olazabal (impressionnant également), et meilleur espoir féminin pour María Cerezuela ; ainsi que lors du Festival du Cinéma Espagnol de Nantes en mars dernier, où Maixabel a remporté le prix du jury Jules Verne et le prix du Public. Un grand succès !
En terme de réalisation, Icíar Bollaín revient à son style cinématographique que je me permets de juger comme étant le plus « intéressant » et « poétique », soit dans la lignée de También la lluvía (2010), en alternant plan d’ensemble et gros plan sur les différents personnages, que ce soit Blanca Portillo ou Luis Tosar, pour nous faire émettre des émotions au plus proche des personnages. Ces deux derniers excellent dans leurs rôles respectifs de la victime et de l’assassin, et leur rencontre est merveilleusement mis en scène. Icíar Bollaín a réussi à créer au fil de sa filmographie, un type de personnage, que ce soit homme ou femme, qui sont de véritables battants, qui luttent toute leur vie pour changer le cours des choses, pour modifier leur vie – que ce soit dans Ne dis rien, Même la pluie, Yuli, Le mariage de Rosa et maintenant avec Maixabel – ce sont des personnes qui ont une idée en tête et qui la réalisent coûte que coûte. Prenons l’exemple de Yuli, qui part de Cuba pour l’Angleterre pour devenir l’un des danseurs les plus connus du monde ; ou encore Rosa dans Le mariage de Rosa qui va convaincre l’ensemble de sa famille ainsi qu’elle-même pour pouvoir se marier avec elle-même, soit s’accepter et prendre du temps pour elle uniquement sans se soucier constamment des autres ; et on retrouve précisément cette idée dans Maixabel. Maixabel Lasa, va rencontrer les deux assassins de son mari, alors que l’ensemble de ses proches dont sa fille, lui disent que non. De plus, le scénario, coécrit avec Isa Campo, s’inscrit dans les pensées et les sentiments des personnages, que ce soit autant pour la victime que pour les assassins ; et tout cela est merveilleusement bien interprété par Blanca Portillo, Luis Tosar et Urko Olazabal. Icíar Bollaín a en effet, mis en scène un épisode qu’elle a vécu indirectement puisque lorsqu’elle avait 7/8 ans, ETA commençait à perpétuer des meurtres et assassinats, et les nouvelles d’assassinats dans la presse, la radio et la télévision étaient quotidiennes.
Cependant, le scénario et/ou la mise en scène est sans doute un peu trop léchée à mon goût… ou à certains moments, le « pathos » est trop présent notamment la scène de fin qui m’a à la fois beaucoup ému mais qui m’a en même temps fait pensé au « too much » du film et de son propos. Néanmoins, Maixabel est un très beau film espagnol, et Icíar Bollaín ne m’avait pas autant ému et impacté depuis También la lluvía (2010). De plus, c’est un très beau film sur la capacité de pardonner, de dialoguer et de se repentir ; et le sujet historique sur l’ETA, son organisation, et le pardon des anciens membres permet d’aborder un nouveau sujet historique dans l’histoire du cinéma espagnol, autre que la guerre civile et le franquisme, et permet précisément de mettre en lumière cette partie d’histoire méconnue en France notamment. Voici ainsi un essai complètement réussi par Icíar Bollaín, 4/5 !