Entre sophistication et maniérisme
Qui, aujourd’hui, peut réunir sur un même écran Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Jeffrey Wright, Tilda Swinton, Margot Robbie, Adrian Brody, Bryan Cranston, Edward Norton, Steve Carrell, Matt Dillon, William Dafoe, Jeff Goldblum, Liev Schreiber, - pour être honnête, parfois dans un petit rôle – oui qui, sinon l’inimitable Wes Anderson. Asteroid City est une ville minuscule, en plein désert, dans le sud-ouest des États-Unis. Nous sommes en 1955. Le site est surtout célèbre pour son gigantesque cratère de météorite et son observatoire astronomique à proximité. Ce week-end, les militaires et les astronomes accueillent cinq enfants surdoués, distingués pour leurs créations scientifiques, afin qu’ils présentent leurs inventions. À quelques kilomètres de là, par-delà les collines, on aperçoit des champignons atomiques provoqués par des essais nucléaires. 106 minutes plus qu’étranges, totalement décalées, déroutantes – et le mot est faible – du pur Wes Anderson, mais l’effet de surprise ne joue plus autant qu’avant et peut-être la lassitude est-elle en train de gagner le spectateur même le plus fan de cinéaste pas comme les autres.
Depuis 2001 et La familleTenenbaum qui l’a rendu célèbre, Anderson poursuit son œuvre envers et contre tout, en créant un monde bien à lui de film en film avec des perles comme A bord du Darjeeling Express, Moonrise Kingdom, The grand Budapest hôtel, ou The French Dispatch… A chaque fois ce cinéaste de la mélancolie nous propose un film choral souvent très bavard mais bourré d’idées visuelles, où les émotions passent par un contournement des règles de perspective, de symétrie systématique et pur faire savant, d’une disposition planimétrique – rien que des horizontales et des verticales…. cherchez bien, vous ne verrez jamais une diagonale dans ses films -, esthétique vintage, couleurs acidulées, rose bonbon ou bleu lavande… bref tout ce qui constitue la fameuse Anderson Touch. Mais voilà, je l’ai dit, il ne nous surprend plus d’où un ennui sournois qui nous guette, malgré la performance particulière des acteurs et des actrices, souvent très statiques et qui débitent les dialogues sans aucune intonation dans des décors volontairement de carton pâte, n’essayant même pas de nous faire croire à un scénario abracadabrant… ici, d’ailleurs, nous sommes prévenus d’emblée qu’il ne s’agit en aucun cas d’une réalité mais d’une pièce de théâtre passablement délirante à laquelle nous assistons. Alors, pas de milieu, ou on adore ou on déteste Wes Anderson… et vous ?
Bien sûr, l’autre marqueur inévitable de ses films, ce sont les castings pléthoriques où, en plus, il ne réunit quasiment que des stars, d’ailleurs parfois tellement grimées qu’elles sont méconnaissables. Et pourtant le cinéma mondial semble se battre pour apparaître, ne serait-ce que quelques secondes dans un film de ce cinéaste décidément pas comme les autres. Mélancolique et merveilleux pour les uns, alambiqué et vain pour d’autres… A vous de choisir votre camp.