Nous nous attaquons aujourd'hui à un gros morceau : le nouveau film de Wes Anderson. Asteroid City s'est pris les foudres à Cannes et est reparti bredouille de la cérémonie, mais semble aujourd'hui plutôt apprécié par la critique. Après The French Dispatch, long métrage dédié à la France et à l'écriture, Wes a choisi le théâtre comme nouveau terrain de jeu.
L'histoire se déroule au beau milieu du désert, dans le petit village d'Asteroid City. Chaque année, des élèves du pays s'y réunissent pour tenter de remporter un prix récompensant les meilleurs projets scientifiques. Nous suivons Augie Steenbeck, un photoreporter qui accompagne son fils Woodrow aka "Brainiac" le génie. Leur voiture tombe en panne, les trois petites sœurs sont insupportables, mais comme souvent chez le réalisateur, les personnages restent imperturbables. Même lorsque les enfants apprennent que leur mère est décédée depuis 3 semaines et que le père transporte ses cendres dans un tupperware, la réaction est minime. Il y a aussi leur voisine de bungalow, la célèbre star d'hollywood Midge Campbell jouée par Scarlett Johansson, une réplique de Marilyn Monroe, ce qui vous donne une idée de sa joie de vivre.
Ce qui vient rompre cette mélancolie ambiante (quoique pour quelques instants seulement) c'est le vol du célèbre astéroïde de la ville par un alien, lors de la remise des prix ! S'ensuit une mise en quarantaine (clin d'œil à la pandémie et au confinement) qui ne provoquera, elle aussi, que peu de réactions. Comme tout autre évènement, cela reste factuel.
Mais alors qu'est-ce qui fait la particularité de ce nouveau long-métrage du réalisateur, me direz-vous ? Les couleurs sont toujours chatoyantes et pastels, la symétrie plus que jamais respectée... Eh bien Wes Anderson utilise ici une mise en abîme (sous forme de scènes en noir et blanc) qui lui permettent une fois encore d'utiliser le chapitrage pour structurer son récit en actes et scènes.
L'histoire d'Asteroid City est en fait une pièce de théâtre, et durant ces scènes qui coupe le récit, nous retrouvons l'écrivain ainsi que le metteur en scène. Tandis qu'on assiste, en parallèle de l'intrigue principale, à la création de la pièce, ils nous avouent eux aussi ne pas saisir totalement le sens de leur propre spectacle. "It is a play about infinity and I don't know what else" affirme l'un des deux.
Tout comme les spectateurs, les personnages apprennent à savourer le fait de s'y perdre, et de ne pas (tout) comprendre (tout de suite).
A l'instar de "A bord du Darjeeling Limited" et de "The Grand Budapest Hotel", c'est un film sur le deuil. On se rend bien compte que chacun est en proie à une certaine angoisse de la mort, et qu'il leur manque à tous soit quelqu'un soit quelque chose. Comme unique solution pour ne pas céder à la panique, il faut lever les yeux vers le ciel (vers l'alien donc, métaphore de tous ce qui les inquiète) et interroger les astres.
Si The French Dispatch était un film où il régnait une certaine agitation, Asteroid City est un film qui préfère le silence.
C'est de ce calme que naissent les sentiments et les réflexions. C'est dans les plans symétriques et contrôlés, qu'on trouve du réconfort. C'est dans l'humour que l'on se protège. Peut-être être l'un de ses films les plus touchants, on y analyse les sentiments humains, met en lumière les questionnements ("quel est leur place dans l'univers ?") de ces êtres endeuillés abîmés par le temps et la perte.
Le casting est effectivement fourni : des habitués comme Tony Revolori et Tilda Swinton, mais aussi des petits nouveaux comme Tom Hanks et Maya Hawke.
Cependant les performances sont inégales : certains acteurs n'apparaissent qu'une minute à l'écran (Willem Dafoe), mais ont le mérite de le faire bien, d'autres sont totalement oubliés, à cause d'un rôle futile comme Steve Carrell. On se console avec les belles performances de Jason Schwartzman, Edward Norton, Adrien Brody...
Ou encore de Margot Robbie lors de la seule scène en sa présence : la pause clope touchante où plusieurs interprètes se retrouvent et discutent des scènes qu'ils auraient pu jouer, où les frontières entre jeux et personnages deviennent invisibles, presque comme si leurs textes étaient en fait synonymes d'une vie antérieure.
Wes Anderson s'essaie à la science-fiction, c'est un film rêveur et drôle, bien écrit et qui utilise les clins d'œil et les références à bon escient (comme Bip Bip et Coyote !). Un casting non négligeable, un B.O agréable et un bon scénario, c'est un film à voir.