Wes Anderson ne fait aucun mystère de la facture toujours plus miniaturiste de son cinéma, succession de vignettes mélancolique ou humoristiques qu’il agence et ré-agence avec obstination : cette fois, si la nature toc de cette petite communauté établie autour d’un cratère d’astéroïde n’était pas assez évidente, Anderson la définit encore plus clairement comme un décor théâtral, les acteurs passant ainsi constamment de la scène aux coulisses tandis qu’un anchorman se charge d’introduire les différentes scènes et de digresser sur le processus d’écriture ou les aléas du montage de la pièce. Si on peut être fasciné par le dispositif ainsi mis en place, on aurait tort - enfin, encore plus tort que d’habitude - de chercher un narratif cohérent à ‘Asteroid city’ : le concours de science, l’arrivée de l’alien, la détention des participants par l’armée, la romance entre l’auteur et l’actrice, tout cela fait simplement partie d’un empilement d’histoires nécessaires à la solidification d’un scénario-prétexte, un peu comme dans ‘The french dispatch’ mais qui restent ici concentrés autour d’un point central, une disposition de la narration homogène plutôt qu’hétérogène : cette petite bourgade construite autour d’un cratère au fond duquel repose une petite météorite, qui pourrait bien servir d’allégorie à la manière dont Wes Anderson réfléchit sur son art. Mais à quoi réfléchit-il en priorité et de quelle manière ? Est-ce à la nature du théâtre filmé, dont il aime sans doute l’idée d’être un fier représentant et à la mécanique du transfert du sixième art vers le septième qui occupe ses pensées ? Ou plus égoïstement, à l’angoisse d’un auteur qui se voit régulièrement accusé de déshumaniser son cinéma pour que puissent s’épanouir ses petites obsessions d’un monde mécanique et bien ordonné ? Je suis certain qu’on trouve, dans tel déplacement du cadre, dans tel artifice de mise en scène, dans telle ligne de dialogue, des indices et des références à ce qui anime aujourd’hui Wes Anderson. Sans cela, ‘Asteroid city’ ne serait qu’un jeu solitaire et vain, une signature artistique connue mais dont tout le monde devrait déjà être en train de se lasser. J’en ai saisi quelques-uns au vol, de ces indices, certainement pas tous, comme vous en saisirez d’autres et leur donnerez l’interprétation qui vous plaira le plus. Finalement, le plus drôle, le plus instantanément drôle dans un film de Wes Anderson d’aujourd’hui, ne serait-ce pas d’observer toutes ces stars, aux multiples capacités, accepter de bonne grâce d’être réduites au statut de poupées désarticulées, soumises aux caprices du démiurge Anderson, dans un roman-photo technicolor, légèrement mobile et inconséquent.?