Everybody wants to be Harvey.
Quoiqu'on en dise, on a envie d'en dire des choses sur ce troisième long métrage de Jim Cummings. J'ai envie d'en parler, j'ai envie que d'autres personnes l'ayant vu viennent m'en parler, qu'on puisse confronter nos regards et nos avis, les yeux dans les yeux. Car j'ai trouvé l'objet assez singulier et diablement bien construit. Et pourtant, le pitch n'a rien de si novateur. Une rencontre d'un soir sans lendemain, une parenthèse sexuelle entre deux inconnus, initiée par une belle enveloppe violette découverte dans votre boîte au lettre. Choisissez vos préférences, il y en a pour tous les goûts; repostez et attendez la suite.
Jordan (on a pas mieux comme nom de compétiteur) est agent de stars à Hollywood. Hollywood la rêvée. Hollywood la promesse. Hollywood la malade. Hollywood la façade. Et cette façade, il doit la garder présentable jour après jour, ce qui fera tout le sel du film. Car Jordan est au sommet et il doit y rester. Jordan va bientôt se marier et il a malheureusement reçu cette enveloppe violette. Jordan ne doit pas faire un pas de travers mais la tentation est là. Et elle est superbement retranscrite dans ses premiers instants d'égarements.
The Beta Test est une invitation à sauter à pieds joints dans la vie effrénée d'un top-agent hollywoodien et à travers son enquête aussi intrigante qu'insolite, c'est un monde de pouvoir, de domination et de faux-semblants qui nous est dépeint. Il s'en dégage d'ailleurs une atmosphère assez singulière mêlant thriller et comédie satirique où l'on oscille entre âpreté et légèreté. La scène d'introduction, parfaite en tous points, étouffante et glaçante en est le meilleur exemple. Une entrée en matière d'une efficacité redoutable qui laisse imaginer le pire pour la suite alors qu'on plonge quelques minutes plus tard dans la vacuité des conversations "Closer" d'un diner entre amis.
Certains détails du film sont à eux seuls un véritable régal tant ils viennent inclure un élément de relâchement dans un situation tendue ou inversement, qu'il s'agisse d'une courte ligne de texte ou d'une action à priori anodine. D'ailleurs le film sait susciter l'attention dont il a besoin à chaque instant.
Même si le jeu de Cummings rappelle ses précédents personnages, ses pertes de contrôle restent pour ma part un régal tant elles illustrent ici cette volonté de le garder coûte que coûte. Et sa réalisation n'est pas en reste lorsqu'il floute une silhouette dans l'entrebâillement d'une porte, nous faisant presque complice de ses pulsions assouvies, ou lorsqu'il met en image les désirs et les craintes de son personnage.
Et au milieu de cette quête de vérité, "tout le monde veut être le prochain Harvey !"
Encore une fois, Cummings enrobe son histoire principale d'une réflexion sur un système mal-en-point où il faut être prêt à tout, un système où il fait bon être un homme de pouvoir, un système qu'il décrit lui même comme en train de s'effondrer. Et ce Beta Test n'est pas une solution vers un avenir meilleur, c'est autre chose, quelque chose de tout aussi actuel et pernicieux que vous ne découvrirez qu'en suivant cet homme, jusqu'au bout de son erreur.
Une bien belle surprise. Un pitch qu'on aurait pu associer à David Lynch ou a Richard Kelly, mais en plus intelligible et moins cauchemardesque. Moins émouvant que Thunder Road mais mieux ficelé que The Wolf Of Snow Hollow, il va sans dire que je l'aime vraiment bien ce réalisateur qui avait introduit son film au festival de Deauville d'un grinçant : "Fuck Hollywood".