Sophie Letourneur s'est inspirée d'un véritable voyage qu'elle a entrepris en Italie avec son compagnon en 2016 : "j’ai voulu en faire le récit. Une comédie burlesque inspirée par mon couple, qui me semblait parfois être une caricature de lui-même, mais aussi par ceux que je croisais. En le vivant, certaines scènes ou certaines phrases retenaient mon attention et je les notais sur des pages volantes arrachées à la fin du Guide du routard..." De retour de ce voyage, elle et son compagnon en ont fait un récit dans ses moindres détails et l'ont enregistré sur un dictaphone. La réalisatrice s'est appuyée sur ses notes et ces enregistrements pour écrire son film.
Dans Voyages en Italie, ce qui intéresse Sophie Letourneur, ce n'est pas la finalité du voyage (le couple va-t-il surmonter la crise qu'il traverse ?) mais le lien qui unit ces deux individus : "C’est ce moment dans la vie d’un couple où l’on regarde en arrière parce que la conjugalité, la parentalité et la vie domestique ont remplacé peu à peu toute l’adrénaline passionnelle du temps de la rencontre. Quelque part, l’un empêche l’autre. Et le lit conjugal devient le lieu d’une intimité qui n’est plus vraiment sexuelle. [...] Quelque part, c’est un film faussement anecdotique sur ce qui lie ce couple dans sa plus pure trivialité et dans la complémentarité miraculeuse de ses névroses."
Sophie Letourneur pensait depuis longtemps à Philippe Katerine pour le rôle masculin de Voyages en Italie, avant même de tourner Énorme, son précédent long-métrage : "Dans ce qu’il fait et ce qu’il dégage, j’ai toujours senti quelque chose de proche de moi dans le rapport qu’il a au sérieux, à la trivialité et à la poésie. J’aime vraiment ce qu’il est et tout ce qu’il fait, et c’était une raison suffisante pour rêver de travailler avec lui. Je le trouve génial, c’est un grand artiste."
Sophie Letourneur écrit les dialogues de ses films au millimètre. Elle détaille sa manière de travailler : "Ça passe par un important travail de réécriture via des heures de séances d’improvisation très dirigées, puis le montage sonore de ces improvisations devient l’écriture du scénario dialogué. Bien avant le tournage, il y a cette étape essentielle de composition d’une forme de partition musicale (rythme, chevauchement...) puis de retranscription. [...] C’est en tamisant cette matière plusieurs fois avec ma coscénariste Laetitia Goffi qu’on parvient à quelque chose de vivant, d’organique mais qui est en vérité écrit à la virgule près, où chaque phrase, de langage parlé, dépose quelque chose au-delà de son sens premier, et participe à l’agencement général."
Voyages en Italie est le premier volet d'une trilogie, qui s'organise autour de "la question du désir, du couple de Sophie et Jean-Fi, des enfants, mais aussi de l’autofiction, la création et des formes de récits différentes", révèle la réalisatrice.
Sophie Letourneur a réalisé lors de la préparation de Voyages en Italie une sorte de maquette : avec ses collaborateurs Laetitia Goffi et François Labarthe, elle a joué et filmé chaque séquence du long-métrage. Les "doublures" faisaient du playback sur la bande-son déjà montée des dialogues des deux personnages. Ils sont même allés en Sicile pour filmer aussi bien les scènes écrites que des détails. "Au retour, une fois qu’on a filmé toutes les scènes, on monte une maquette du film, qui produit un objet d’étude et me permet de couper, d’affiner le scénario. Elle devient non seulement la bande son qu’on aura dans les oreillettes mais la base du travail avec Philippe Katerine et le chef opérateur Jonathan Ricquebourg".