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    Tirailleurs
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Tirailleurs" et de son tournage !

    Cannes 2022

    Le film a été présenté en ouverture de la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022.

    Qui sont les tirailleurs ?

    Le premier bataillon de tirailleurs a été créé par décret impérial en juillet 1857. Ce corps de militaires a été constitué au sein de l’Empire colonial français et composé de soldats africains, du Maghreb à l’Afrique subsaharienne. Ils ont participé à des moments de gloire – la défense de Reims en 1918 ou la bataille de Bir Hakeim en 1940 – comme à des tragédies telles que les terribles massacres commis par la Wehrmacht à leur encontre lors de la campagne de France.

    Quant aux tirailleurs dits « sénégalais » (venus du Sénégal mais aussi de toute l’Afrique), ils sont montés au front, aux côtés des poilus de métropole. Ils étaient près de 200 000 à combattre, 30 000 sont morts sur les champs de bataille de la Grande Guerre, beaucoup sont revenus blessés ou invalides. Près de 150 000 ont été mobilisés durant la Seconde Guerre mondiale (les chiffres varient selon les sources). Ce corps militaire a été dissous en 1960.

    L'histoire des tirailleurs reste encore méconnue et souvent oubliée des manuels scolaires.

    Genèse

    L’idée du film est née en 1998 avec la mort du dernier tirailleur sénégalais (Abdoulaye Ndiaye, à l’âge de 104 ans, il avait été enrôlé de force en 1914). Il est mort la veille du jour où il devait recevoir la légion d’honneur promise par le président de la République, Jacques Chirac. Mathieu Vadepied se souvient : "je ne sais pas pourquoi, je me dis que si ça se trouve dans la tombe du Soldat inconnu reposent les restes d’un tirailleur de l’armée coloniale issu d’un de ces pays africains colonisés alors par la France. Cela a commencé ainsi. Ensuite, j’ai fait des recherches, même si à l’époque, je ne pensais pas que j’aurais un jour l’opportunité de réaliser un film pareil. C’est resté dans ma tête et cela a fait son chemin."

    Le projet d'une vie

    Le réalisateur définit Tirailleurs comme "le projet d'une vie". Il entretient depuis l'enfance un lien avec le continent africain. Son grand-père - à qui le film est dédié - était maire d’Évron, une petite ville agricole de la Mayenne, jumelée avec Lakota, en Côte d’Ivoire. "Petit, je voyais souvent des délégations ivoiriennes venir lors de manifestations festives et culturelles à Evron. J’ai baigné là-dedans, et cela est resté ancré en moi. Cette fraternité entre paysans de deux continents m’a marqué." 

    Grâce à son grand-père, maire et sénateur, et son père, devenu député d’une circonscription dans l’Oise, Mathieu Vadepied a développé une conscience politique concernant les questions mémorielles. Il a voulu dresser "un état des lieux de la société française dans sa diversité, sa richesse, sa force en assumant ce passé et, surtout, avec la nécessité vitale de le reconnaître."

    Une ambition politique

    S'il ne s'est pas engagé en politique comme son grand-père et son père, Mathieu Vadepied croit en la dimension poétique et politique d'un film. Avec Tirailleurs, il a pour ambition de s'adresser au public le plus large possible : "L’esprit est celui-là : sans reconnaissance de notre passé commun, on ne peut pas continuer, on ne peut pas réparer, on ne peut pas créer ensemble une société bâtie sur le respect." Il espère que le film touchera les personnes concernées par ces questions d’intégration et d’identité, mais pas seulement : "On voulait s’adresser également à ceux qui ont peur et qui sont pris dans les filets des extrémismes politiques, qui ne connaissent pas forcément la réalité de cette histoire des tirailleurs. On voulait s’adresser à leur émotion, à cette dimension universelle traitée à travers le récit d’un père et de son fils afin de faire ressentir ce qu’ont pu vivre ces hommes."

    Un scénario difficile à élaborer

    Mathieu Vadepied et Olivier Demangel, le coauteur du film, ont mis six ans à élaborer le scénario. Ils sont repartis de zéro à plusieurs reprises en changeant les personnages et l'histoire. "Une véritable traversée du désert. Nous nous sommes embarqués à corps perdus dans une aventure qui nous dépassait souvent. Aussi parce que la question était sensible, complexe, et que nous n’avons pas voulu l’aborder comme un tract politique", confie le réalisateur. Ecrire un récit à portée historique les astreignait à une forme de vérité. Face à cette responsabilité, ils ont travaillé avec des historiens et des consultants et se sont beaucoup documentés. "Même si la fiction s’appuie sur des inventions, une imagination, une tension dramatique, il n’était pas question de sacrifier la véracité", affirme Demangel.

    L'implication d'Omar Sy

    Le réalisateur Mathieu Vadepied et Omar Sy se sont rencontrés sur le tournage d'Intouchables en 2011, où Vadepied était directeur de la photographie. Depuis, le comédien n'a eu de cesse d'accompagner Tirailleurs tout au long de ses dix années de développement. Devenu trop vieux pour camper le rôle principal, il a envisagé de se retirer du projet mais voulait continuer à soutenir le film en le co-produisant. Finalement, il incarne le père du héros, tout en participant à la production : "je veux montrer que mon implication va au-delà d’être à l’affiche. C’est une implication qui dépasse celle de l’acteur. Je crois beaucoup en cette histoire, c’est important pour moi qu’elle existe, et j’ai envie d’aider à la faire connaître du mieux possible. J’ai pensé qu’en être seulement l’acteur n’était pas suffisant. Jouer et coproduire sont deux formes de soutien."

    Cet engagement s'est ressenti dans sa collaboration avec le réalisateur, comme ce dernier le raconte : "Avec Omar Sy, ça a été extrêmement puissant, avec quelques frictions entre nous alors que nous nous connaissons depuis longtemps. Nous avons appris à écouter chacun ce qu’il y avait de différent chez l’autre. Je l’invitais à une forme de minimalisme et nous avancions pas à pas, entre la langue peule que je ne parle pas, et le ressenti qu’il avait. Nous avons trouvé le personnage de Bakary dans cet échange riche et inédit pour nous deux je crois."

    La langue peule

    Tirailleurs a été tourné en partie en peul, langue parlée dans une vingtaine d’États, en Afrique de l'Ouest et au Sahel ainsi qu'en Afrique centrale. Un choix assumé du réalisateur qui permet de conserver l'authenticité du récit, même s'il pouvait faire peur aux coproducteurs et aux chaînes de télévision : "Je trouvais cela passionnant de réaliser un film très immersif, dans la perception des personnages, à hauteur d’homme, pas surplombant historiquement – ce n’est pas une reconstitution. Je voulais une mise en scène et une direction d’acteurs qui nous plongent dans une forme de présent. Un présent de l’époque." Il en était de même pour Omar Sy : "il n’était pas question de jouer un Français avec un accent, je ne me voyais pas faire cela. Je pensais que c’était mauvais pour le film. Je trouve qu’avec ce que l’on raconte sur le plan historique, émotionnel, il faut être exigeant. Donc le choix de jouer en langue peule, langue que je parle, était déterminant."

    Un but utopique

    S'il reconnaît que c'est utopique, le réalisateur espère avec Tirailleurs "transformer la vision qu’on a de notre société, montrer d’où vient sa richesse, sa diversité. Le film doit interroger cela, déclencher de la curiosité, il doit, je l’espère, toucher ceux qui sont enfermés dans leur peur, dire la beauté des cultures, des façons de vivre, des langues, et cette acceptation, ce désir de la différence, car elle est une force." Il s'agit aussi de rendre hommage aux tirailleurs sénégalais et plus largement, à tous les hommes issus des ex-colonies françaises qui ont combattu, sans avoir eu la reconnaissance de leur sacrifice.

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