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    Madame de Sévigné
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Madame de Sévigné" et de son tournage !

    Naissance du projet

    La singularité du rapport mère-fille a toujours interrogé Isabelle Brocard dans ce qu’il a de primitif, constitutif et destructeur. La réalisatrice a lu des ouvrages sur le sujet, notamment Entre mère et fille : un ravage de Marie-Magdeleine Lessana. Elle se rappelle : "Elle y revisite le destin de couples mères-filles célèbres - Marlène Dietrich et sa fille, Camille Claudel et sa mère… - et consacre son premier chapitre à Madame de Sévigné et Madame de Grignan avec un discours très à charge contre la première."

    "Ce chapitre m’a tout de suite interpellée : d’abord parce que, contrairement à l’auteur, je trouvais que la mère et la fille alimentaient toutes les deux cette aliénation réciproque ; ensuite, parce que me sautait aux yeux le poids de la difficulté d’être femme dans cette histoire. Les contraintes qui pèsent sur les femmes sont en partie à l’origine de cette relation, et c’est encore le cas aujourd’hui. J’ai eu le désir de parler du présent à travers l’acuité de ce siècle passionnant qu’est le XVIIème sur la question des femmes."

    "Je me suis évidemment plongée dans « Les Lettres », et c’était comme si une voix incroyablement spirituelle et séduisante venait me parler aujourd’hui de ce lien brûlant, torturé, essentiel qui se noue entre mère et fille. C’était là, sans fards et sans psychologie : une blessure aussi vive qu’il y a trois-cent-cinquante ans. J’ai eu envie de l’explorer ; l’incarner..."

    Sources d'inspiration

    En dehors des lettres, Isabelle Brocard s'est beaucoup appuyée sur la biographie de Roger Duchêne, considéré comme le spécialiste de Madame de Sévigné et auquel on doit l’édition des volumes de la Pléiade consacré aux lettres : "J’avais évidemment beaucoup d’éléments autobiographiques, beaucoup aussi de courriers de ses amies et de ses proches – Madame de La Fayette, Bussy Rabutin… Parallèlement, j’ai lu un certain nombre d’ouvrages publiés ces dernières années qui donnent un nouvel éclairage sur la deuxième moitié du XVIIème siècle et sur Louis XIV."

    "On commence à reconnaître que ce n’était pas une période aussi flamboyante que ce que le cinéma a voulu nous raconter. C’était beaucoup de guerres, d’épidémies terribles, d’impôts imposés par la brutalité d’un roi expansionniste et je trouvais important de le montrer, avec mes petits moyens, en arrière-plan -un labyrinthe pour évoquer une scène de cour, quelques cadavres pour parler de la révolte des bonnets rouges. Mais mon matériau de base est resté les lettres. Elles m’ont vraiment inspirée même si le film n’est biographiquement pas complètement exact."

    Jane Campion comme référence

    Côté références cinématographiques, Isabelle Brocard avait en tête, au moment du tournage de Madame de Sévigné, Jane Campion, et plus particulièrement son film d'époque Bright Star, "qui réussit à rendre la littérature si présente. C’était l’un des enjeux de Madame de Sévigné : faire de la littérature un personnage. J’ai visionné beaucoup de films d’époque pour le traitement des décors et des costumes - des films anglo-saxons, surtout. En France, je trouve les films historiques toujours un peu froids à cet égard. On n’a pas envie d’habiter là où vivent les personnages. Les Anglo-saxons savent rendre tout plus chaleureux, plus beau, plus riche."

    "Ils ont-ce que nous n’avons pas en France parce que c’est trop cher - quelqu’un pour chapeauter la direction artistique. Anaïs Romand qui est arrivée très tôt sur la production, qui a un talent fou et connaît parfaitement le XVIIème siècle, a un peu joué ce rôle. Avec elle et Georges Lechaptois, nous nous sommes inspirés entre autres des tableaux de Nicolas Poussin."

    Des décors et des paysages

    Au moment de l'écriture, Isabelle Brocard n'avait pas de comédiens en tête. En revanche, elle a rapidement pensé à des décors et des paysages : "Je visualise tout de suite les lieux où va se dérouler mon histoire : le château de Courances, pas très loin de chez moi, où nous avons tourné les scènes du Marais à Paris, celles en Bretagne et en Bourgogne ; le château de Grignan, un château départemental très singulier où mère et fille ont vécu, et les bords de Loire…"

    Le choix Ana Girardot

    Ana Girardot est également venue rapidement dans le casting : Madame de Grignan ne pouvait pas avoir une beauté froide : il fallait qu’elle soit très belle tout en ayant quelque chose de très sensuel, presque félin. "Elle se sentait très concernée par le sujet en tant que fille mais aussi parce qu’elle venait d’être mère. Dans le film, elle passe de jeune fille à femme et mère de plusieurs enfants, elle devait pourvoir apporter encore beaucoup d’adolescence et de fraicheur dans son jeu avant d’évoluer vers cette femme dure et brisée de la fin", précise Isabelle Brocard.

    Une évidence

    Karin Viard interprète Madame de Sévigné. Isabelle Brocard ne voyait aucune autre comédienne pour jouer ce personnage : "Elle était la seule à posséder à la fois l’âge du personnage, sa flamboyance, et l’énergie pour la rendre sympathique, y compris lorsque Madame de Sévigné témoigne d’une certaine froideur. Madame de Sévigné était connue pour sa séduction et la vivacité de son esprit : Karin a tout cela, plus un côté très contemporain qui m’intéressait."

    "Elle est arrivée tôt sur le projet et s’est véritablement emparée du rôle, d’abord avec des questions sur les relations mères-filles, puis dans un second temps, sur les thèmes du féminisme, de la place de la femme, son indépendance. Karin, tout comme Ana Girardot, est une énorme bosseuse. Elle travaille énormément en amont. Sur le plateau, elle habite le personnage ; elle s’efface tout en apportant beaucoup d’elle-même, avec un très grand naturel", raconte la cinéaste.

    Importance des extérieurs

    Le film accorde beaucoup de place aux extérieurs, comme l'explique Isabelle Brocard : "C’est la grande modernité de l’écrivain qu’est Madame de Sévigné : elle est, avant Rousseau, un écrivain de l’extérieur. Dans les lettres qu’elle envoie de Bretagne à Madame de Grignan, elle ne cesse d’évoquer les paysages dans lesquels elle se promène, où elle s’endort parfois, où elle prend froid. Elle parle de son rapport aux arbres, aux saisons. Et puis c’était intéressant de montrer qu’elle écrit partout. J’ai mis beaucoup de moi dans ce lien qu’elle a avec la nature. Par-delà cette confidence personnelle, faire vivre des extérieurs dans un film historique m’offrait à nouveau une forme de modernité."

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