Après le drame intime « Du soleil dans mes yeux », Nicolas Giraud compte bien confirmer son lyrisme derrière la caméra. Le comédien de métier trouve un nouveau souffle dans ce spleen, garni de promesses qui ne peuvent qu’enchanter, ou à défaut d’attiser notre curiosité. La conquête de l’espace n’est pas le terrain de jeu favori du cinéma français, mais il peut toujours surprendre lorsqu’il choisit de centrer son attention sur la charge mentale de ses explorateurs (Proxima) ou lorsqu’il épouse pleinement le space opera (Le Dernier Voyage, Blood Machines). Accompagné de Stéphane Cabel à l’écriture, le réalisateur prend ce nouveau défi comme une lettre de motivation, adressée à lui-même, dans l’espoir qu’il puisse enfin se dégager de la gravité, qui l’empêche de voir au-delà de ses ambitions de cinéaste.
Giraud est prêt à rebondir sur une occasion nette de faire ses preuves. Il enfile le costume d’ingénieur en aéronautique chez ArianeGroup et donne un certain cachet à Jim Desforges, dévoré par sa passion. L’exploit d’une sortie extravéhiculaire en amateur dans l’espace est tout ce qui l’obsède. Et pour tutoyer les cieux, le cinéaste ne va pas chercher la verticalité dans le cadre, préférant les gros plans et la nature en arrière-plan. Ce sont ces moments de plénitude qui nous convainquent de la force du projet atypique, mais audacieux. Par ailleurs, on trouvera une amusante analogie entre le projet technique de Jim et celui de Giraud, car tous deux se doivent de mener à bien leur mission, avec le budget adéquat, le matériel nécessaire et toute une équipe qui le soutient, mais qu’il doit convaincre. Il s’entoure alors d’un astronaute qui a perdu ses ailes (Mathieu Kassovitz), d’un chimiste autodidacte (Bruno Lochet), d’une bonne étoile mathématicienne (Ayumi Roux), de la bienveillance de sa grand-mère Odette (Hélène Vincent) et bien entendu, de l’aura de son défunt grand-père.
Pourtant, nous sommes loin d’arriver aux résultats escomptés et il faudra s’armer de patience et de chance pour que le module tienne debout et ne désintègre pas l’ego de l’ingénieur rêveur. La conception de la fusée démontre une certaine cohésion de groupe, qu’il s’agit de décortiquer au mieux. L’unanimité n’est pas chose courante avec des telles ambitions et on nous encourage à laisser l’apesanteur faire le travail. Si de nombreuses scénettes viennent parfois ralentir le moral de l’équipe ou du récit, il faut lui reconnaître un excellent renfort auprès du compositeur Superpoze, qui a déjà réussi à amplifier l’éloquence de jeunes étudiants dans le documentaire « À Voix Haute » de Stéphane de Freitas et Ladj Ly. Nous ressortons ainsi avec une sensation qui laisse les rivières gelées derrière soi, car comme toute liberté qui s’acquiert, il est nécessaire de trouver les bonnes clés parmi les autres.
L’ingrédient principal du combustible qui alimente cette passion traverse chaque interaction, que l’on minimise au possible, de même que les mots, lorsqu’il est enfin temps de se réconcilier avec la beauté du geste et de l’effort. C’est ce que Jim pourrait interpréter comme une revanche sur son passé, qui l’a finalement cloué sur Terre et condamné à rester spectateur de ses échecs. Paul Éluard a écrit qu’un rêve sans étoile est un rêve oublié, « L’Astronaute » de Nicolas Giraud existe pour nous rappeler que les premiers pas vers le cosmos se situent quelque part entre l’espoir et la solidarité, deux propulseurs essentiels à son ascension.