Réalisatrice de documentaires à qui l'on doit, entre autres, La Cité muette, Sabrina Van Tassel a rencontré Melissa lorsqu'elle réalisait un reportage aux Etats-Unis sur les femmes dans le couloir de la mort. Curieusement, l’histoire de cette détenue était celle qui l'intéressait le moins. Elle se rappelle :
"Je n’avais pas envie de raconter le cas d’une femme droguée qui avait maltraité sa fille de deux ans jusqu’à la mort. Rien ne pouvait excuser un acte pareil. C’était tout simplement abominable. Quand je suis arrivée dans sa vie, sa famille lui avait plus ou moins tourné le dos. Je ne savais quasiment rien d’elle. En faisant des recherches, je me suis rendue compte que son histoire n’avait pas suscité un grand intérêt dans les médias. À peine quelques lignes dans un journal local. Un fait divers comme un autre. Pas suffisamment morbide pour les reconstitutions d’enquêtes criminelles à la télévision. Pas suffisamment touchante non plus. Le sort de Melissa n’avait provoqué aucune empathie. Elle n’intéressait personne."
Sabrina Van Tassel a vu, dans les yeux de Melissa, toute l’injustice du système judiciaire américain qui condamne les plus faibles pour s’en débarrasser. Il s'agit de la raison principale pour laquelle elle a voulu enquêter et faire ce documentaire :
"Après une courte enquête, il paraissait clair que son histoire regorgeait de zones d’ombres jamais explorées. J’ai eu envie de comprendre qui était cette femme, avec ses failles et toute la complexité de son histoire. Je voulais en faire un film, qu’elle soit coupable ou non. Un documentaire pour le cinéma, sans formatage, où la liberté de parole et de contenu serait totale. Où les non-dits et les silences seraient de vrais temps de narration. Où le récit des faits se ferait à travers l’image, par l’atmosphère qui s’en dégage. Un film sans artifice où nous n’aurions pas besoin d’explication."
"C’est justement parce qu’elle coche toutes les cases de la coupable idéale que l’histoire de Melissa m’a intéressée. Parce qu’après des heures passées à enquêter sur elle, j’ai découvert beaucoup trop d’éléments qui n’avaient jamais été présentés à son procès. Parce qu’elle représente tout ce dont l’Amérique aimerait se débarrasser. Il ne fait quasiment aucun doute que si Melissa avait été défendue comme elle aurait dû l’être, elle ne serait pas dans le couloir de la mort. Elle serait peut-être en prison. Peut-être pas…"
Cinéaste franco-américaine, Sabrina Van Tassel parcourt les Etats-Unis depuis 2005. Elle y a réalisé plus d’une quarantaine de documentaires et de reportages. Le paysage multiculturel du pays et ses disparités sociales sont donc bien connues de la réalisatrice, qui explique :
"Quand la machine judiciaire frappe, seul celui qui a de l’argent peut s’en sortir, même l’assassin que tout accuse. Tout est fait pour éviter le procès et payer au prix fort sa liberté. À travers cette histoire, c’est un système tout entier que j’ai voulu confronter. Celui des juges et des procureurs qui, pour être réélus, ont besoin d’un quota de condamnations fortes, dont la peine de mort. Celui d’avocats commis d’office qui enchaînent les procès, sacrifiant leurs clients par manque d’expérience, d’envie ou manque de temps. Une justice à deux vitesses, où les pauvres ne sont pas entendus, coupables ou non."
La bande originale de L'Etat du Texas contre Melissa a été composée par Christophe La Pinta, artiste aimant aussi bien manier l’orchestre que les nouvelles technologies sonores et le travail des voix. Il confie : "Je propose à Sabrina d’utiliser les instruments du folklore américain et ceux du folklore mexicain, sorte de mix entre les deux cultures avec une évidente utilisation des guitares acoustiques, et par extension, les instruments sudaméricains, type Chanrago et Cavaquinho. Le caractère à la limite du thriller de certains passages du film nous amène à durcir la musique en utilisant les cordes mais aussi l’électronique, avec des sons stridents de guitares métalliques et nappes synthétiques. Le mot qui est revenu sans cesse durant l’écriture de cette musique était la retenue, les propos et les images se suffisant à eux-mêmes. Il faut aussi parler du sublime et émouvant jeu de guitare du légendaire Dominic Miller (Sting, Phil Collins, etc…) qui m’a fait l’honneur de magnifier ma partition."