Baby Belle.
En ce qui me concerne, un nouveau film d’Hosoda est toujours un évènement, même si j’avais été un peu déçu par le précédent, Miraï. Au menu ici, un monde virtuel et les affres de l’adolescence. Pas de doute, nous sommes en terrain connu.
Suzu est une ado complexée et traumatisée par la mort accidentelle de sa mère musicienne. Elle contemple de l’extérieur la popularité de certaines nanas de son âge et ne parvient pas à renouer avec la musique, sa passion de toujours. Sur les conseils de son amie geek, elle s’inscrit sur U qui n’est pas un réseau de supermarchés mais un monde virtuel destiné à « libérer les uns et les autres de leurs inhibitions et à leur changer la vie ».
Le métavers fait partie des préoccupations d’Hosoda depuis longtemps, depuis Digimon même, en 1999. Hosoda y voit ici encore le révélateur de l’âme et la matérialisation des combats intérieurs voire impossibles à l’extérieur. Dans ce monde, la force physique ne compte pas contrairement à la ruse et à l’exploitation des données. Du coup, les combats peuvent y être épiques à l’image de Summer Wars. Il y est aussi question d’identité secrète. Car si on s’invente une vie sur les réseaux, il est souvent préférable de cacher la réalité pour maintenir la magie. Ainsi, Suzu devient Belle, chanteuse qui s’exprime en direct devant des millions de spectateurs connectés. Belle a la confiance que Suzu n’a pas. Derrière le sourire de Belle, il y a bien sûr ses blessures. Un jour, pendant une de ses prestations, survient un être menaçant et intrigant, la bête. La bête menace l’ensemble du système virtuel et semble en colère. Qui se cache derrière cet avatar ? Et surtout, comment peut-on souffrir au point de détester tout le monde sur les réseaux ? Une question qu’on pourrait poser tous les jours ici et ailleurs. Derrière les histoires d’identité et d’amour, il y a aussi le dilemme de la construction de soi quand on est ado. On retrouve clairement la patte d’Hosoda qui interroge la filiation et la place qu’on laisse au jeune ou le fardeau qui lui fait porter. A l’écran, comme dans Summer Wars, la matérialisation du monde virtuel se fait par les images de synthèse par opposition à un dessin plus traditionnel pour représenter la réalité. On le sait, Hosoda aime le mélange des techniques et il l’a déjà montré dans Miraï. Cette fois, l’intégration est bien meilleure et beaucoup plus discrète, moins dérangeante donc. Ou alors on s’est habitué ? Bref, la réalité est de toute beauté, tant dans les détails du décor que dans l’éclairage subtil des scènes. Il faudra aimer les passages chantés mais j’avoue que ce n’est pas ma came et que parfois, j’ai trouvé ça tarte. La chanteuse Louane s’en sort très bien mais c’est un peu maniéré. Au final, je la trouve meilleure sur le doublage que sur le chant. On tient donc là un film efficace à la fois drôle, subtil et vif. Je regrette quand même le temps où Hosoda faisait dans plus de simplicité et quand il se concentrait sur la richesse des relations entre les personnages (oui, la reprise du conte n’était pas nécessaire de mon point de vue). En clair, c’est bon mais ce n’est pas au niveau des Enfants Loups ou du Garçon et la Bête.