Tous les éléments d'une bonne comédie anglaise de Noël, à la fois grinçante et feel-good, sont là ! L'effervescence familiale autour des préparations du réveillon dans une maison de campagne bourgeoise, la réunion inévitable que tous les invités et amis d'enfance conspuent chacun de leur côté avant même d'y arriver, les critiques murmurées en permanence à l'encontre des autres convives, les duos classiques du genre (le couple socle et aimant, le mari benêt dominée par une blonde superficielle, le couple plus outsider avec une petite amie jeune étrangère aux autres compagnes, etc), les chamailleries des enfants et, évidemment, les secrets amenés à éclater au cours de la soirée pour que tout ce petit monde se remettre en cause à un moment ou à un autre... Avant un incontournable happy-end rempli d'effusions mièvres ? Eh bien non, pas cette fois, car ce repas de Noël est tout simplement le dernier que ce petit groupe déguste ensemble avant que l'humanité soit éradiquée de la planète le jour suivant !
L'idée n'était pas bête, jouer des codes archi-attendus de ce type de film dans un contexte que l'on sait rapidement sans issue pour ses protagonistes avait tout pour pousser le premier long-métrage écrit et réalisé par Camille Griffin dans des retranchements inédits et en faire une espèce de sommet de tragi-comédie noire apocalyptique ! Mais il n'en sera hélas rien ou alors trop peu...
Si, dans un premier temps, "Silent Night" s'amuse malicieusement du chaos des préparatifs d'un tel réveillon en y mêlant seulement en arrière-plan des petits détails qui traduisent l'ampleur de la réelle catastrophe à venir, les présentations des membres de la tablée se résument trop vite à tous les enfermer dans les rôles de pions bien connus qu'ils tiennent dans ce genre d'événement familial (enfin amical, ici) au cinéma et les passages obligés qui les accompagnent. Ce sera le premier énorme faux-pas de "Silent Night" car, faute d'une réelle maîtrise dans leur évolution lors de la courte durée du film, ces personnages auront un mal fou à se débarrasser de leurs contours caricaturaux de départ et peineront de fait à susciter la moindre empathie au fur et à mesure que la mise en avant de leur sort funeste tente de les faire passer dans une dimension plus tragique.
Pourtant, dans la progression des événements, on ne peut pas dire que Camille Griffin ne ménage pas ses efforts pour faire craquer le vernis des apparences maintenues désespérément par le couple hôte et parasiter ainsi le déroulement habituel d'un tel récit. Des remarques d'un enfant rebelle sur la situation à la prise de conscience de plus en plus frontale des invités face à la fatalité et du choix crucial qu'elle entraîne, "Silent Night" fait s'immiscer le climat d'apocalypse inéluctable à travers quelques temps forts, d'une étonnante gravité, pour amorcer un point de bascule censé donner un ton unique au long-métrage. Mais, là encore, malgré la qualité notable de certains artifices (la musique de Lorne Balfe en premier lieu) et les efforts d'un casting solide (Keira Knightley, Matthew Goode, Annabelle Wallis, Lucy Punch, Lily-Rose Depp ou encore Roman Griffin Davis, le petit héros de "Jojo Rabbit" et fils de la réalisatrice), le film n'arrive jamais vraiment à trouver un équilibre pertinent entre la farce et la tragédie. Certes, on entrevoit bien le potentiel de ce mariage lors de quelques bons moments dans le crépuscule de cette "Silent Night" (les derniers instants de Lucy Punch et de sa compagne et ceux de la famille de Keira Knightley par exemple) mais notre manque d'attachement à ses protagonistes trop longtemps restés stéréotypés et l'incapacité de Camille Griffin à imprégner durablement ce parti pris sur l'ensemble les condamnent à un caractère hélas anecdotique.
Par la force des choses, et alors que sa production a débuté en amont, "Silent Night" peut désormais se voir en partie comme une parabole involontaire mais bien sentie sur la période Covid mais cet "heureux" hasard ne saurait camoufler les intentions non concrétisées d'un projet qui avant pourtant l'argument d'un mélange des genres beaucoup plus attractif pour séduire. Dans une catégorie proche, et avec la même actrice principale de surcroît, "Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare" avait fait bien mieux.