Ce film est probablement le meilleur film de l’année, pour autant je le sanctionne avec la note de 3.5.
D’abord, précisons que ce film n’a rien d’une comédie contrairement à ce qui est annoncé et je vous déconseille de le regarder en famille, ou si vous avez le moral dans les chaussettes : ce film est bouleversant, impactant et dérangeant. Je reconnais volontiers que le thème est très bien choisi, que les acteurs sont bons, que la réalisation est bien et qu’il est riche de détails. Néanmoins le terme comédie est une tromperie qui vise certainement à prendre des spectateurs dans sa toile : le film commence d’ailleurs comme une comédie familiale de Noël, de quoi tromper la vigilance du spectateur. Joyeuse fin du monde est en réalité un film d’horreur, en quelque sorte une uchronie. Ce n’est ni un thriller, ni une comédie. Les rares traits d’humour sont là uniquement pour servir la cruauté du scénario : c’est sarcastique, cynique. A peine de quoi détendre l’atmosphère = c’est une parabole de ce que l’on a vécu pendant la crise covid, tout en l’extrapolant aux enjeux climatiques et à la population mondiale croissante dans un monde de ressources limitées.
Je reproche au film, sous couvert de vouloir se montrer critique envers une société résignée régie par la peur et sous couvert de vouloir faire la part belle à l’espoir, au libre arbitre et au libre choix médical, de faire malheureusement avancer des idées mortifères, macabres et dangereuses.
Ici le film se fait malencontreusement messager de l’idée intolérable de l’extermination de la population mondiale (par des guerres, ou par une apocalypse). C’est une manière maladroite qui habitue peu à peu les esprits à l’extermination de masse = en cela je dénonce ce film et le trouve intolérable. A l’image du crime commis par Thanos, ce genre de scénario présente le fâcheux défaut de nous accoutumer à l’idée que la population serait en « surnombre » et que l’extermination serait une option que des dictateurs pourraient envisager. En somme une « solution finale » cruelle présentée comme inéluctable, à l’image de l’idéologie démente et criminelle Naz*e. A plusieurs égards, la petite famille parfaite rappelle d’ailleurs le couple Goebbels, lesquels ont préféré assassiner leurs enfants plutôt que de faire face à l’idée que ceux-ci pourraient éventuellement vivre dans un monde dépourvus des repères aliénés qui furent les leurs, et qu’ils puissent subir les conséquences de leurs crimes (ici dans le film, il s'agit des conséquences des modes de vie des générations précédentes sur l'environnement)..
Le film fait résonance à l’actualité covid.
Le caractère prédictif et annoncé des nuages toxiques laisse entendre qu’il ne s’agit nullement de phénomènes naturels, mais bien d’actions volontaires. En filigrane attribuées ici aux Russes = une manière d’accuser un dictateur afin d’occulter qu’il s’agit probablement d’un acte mondialisé ayant l’aval de ceux censés protéger les populations = ce non dit est lourd de sens. Tout comme le fait d’apprendre que la reine d’Angleterre se serait réfugiée dans un bunker, faisant passer la survie de ses nombreux chiens avant celle d’êtres humains, et notamment d’enfants. Cela ne peut signifier qu’une chose pour le jeune garçon = il y a donc une vie après le nuage toxique.
Ces informations sont distillées au compte goutte au travers d’indices subtiles et de conversations entre enfants. Les adultes ont cessé d’ergoter sur le pourquoi du comment, car ils se sont résignés à mourir : ils ont vu des gens mourir à la tv dans d’atroces souffrances et le gouvernement les encourage vers cette issue, c’est donc inéluctable. La mort ou la mort. Ou au pire, la vie dans un monde de survie, sans confort, fait de repères perdus (d'où l'évocation du film La Route et de l'eau du robinet brune, témoin de l'apocalypse en cours) = inenvisageable pour ces protagonistes de la bourgeoise anglaise. Les mères de famille se refusent à tenter leur chance dans un monde d’après, potentiellement différent et difficile. Résignés et terrifiés à l’idée de souffrir, ils s’estiment chanceux de pouvoir échapper à la douleur horrible engendrée par l’inhalation du gaz, grâce aux pilules de mort distribuées par les gouvernements (ce à quoi des tas de gens ne pourront avoir accès et devront subir les douleurs = une forme d’échelonnement de la gravité qui sert à faire relativiser à la population sa mort programmée, technique purement managériale que l’on aurait très bien pu voir naître d’un cabinet de conseil). C’est d’ailleurs pour un suicide collectif qu’ils se sont réunis le soir du réveillon de Noël. L’assaut du nuage toxique étant prévu pour le matin de Noël.
Là où le film échoue, c’est qu’il prend le parti de réunir d’anciens amis/camarades pour leur dernière nuit de fête, lesquels se détestent passablement. Facilité scénaristique visant à nous présenter différents cas de figure de décès. Ainsi la petite famille parfaite préfère passer sa dernière nuit entourée de personnes odieuses dans la demeure bourgeoise prêtée par la grand-mère (laquelle a été invitée à aller mourir seule après un vulgaire dernier message d’adieu en visio). Ridicule, mais assez emblématique de l’égoïsme et de la superficialité des gens. C’est évidemment une allusion à tous les anciens qui ont été abandonnés à leur sort, seuls, pendant la crise covid.
Chacun des protagonistes meurt dans une extrême solitude, en dépit du simulacre du « vivre ensemble, ensemble dans la mort ». Chacun de tenter de se convaincre qu’ils sont des gens biens et de bons parents, tandis qu’ils refusent à leurs enfants une autre voie que leur meurtre.
Le film parvient à montrer la bêtise humaine qui conduit notre société droit dans le mur = plutôt que de tenter de faire survivre leurs enfants, certains ont préféré claquer l’épargne destiné à leurs études dans des fringues = l’investissement est dilapidé plutôt qu’utilisé à des fins intelligentes. Les pères se sont isolés pour fumer un joint. Les jumeaux jouent à leurs jeux vidéos, l’une retombe dans son alcoolisme, une autre tente de tromper son mari afin d’assouvir un phantasme = une évocation des vices et des obsessions superficielles qui nuisent aux protagonistes, lesquels ne peuvent se soustraire à leur bêtise, même le dernier jour de leur vie.
Le meurtre est ainsi présenté sous une multitude de formes, dans ce qui reprend les codes d’une secte sacrificielle. Le médecin ne sera pas l’âme secourable qui choisira de tenter de sauver: on sait qu’il a participé à l’euthanasie des patients de son hôpital. Ce fait présenté avec légèreté comme un acte charitable, fait en réalité de lui un meurtrier de masse, servile, embrigadé. Le déni et sa culpabilité le poussent à rejeter toute autre option que celle de la pilule. Jusqu’à opérer un chantage sur sa compagne enceinte pour qu’elle cède à son idéologie et sous la pression qu’il exerce. De par l’amour qu’elle lui porte, la confiance, et puisque qu’il représente l’autorité médicale, elle le suit dans son choix macabre et limitant. Lequel a tourné le dos à son serment d’Hippocrate, pour se conformer à une idéologie venue de sa hiérarchie. Ce qui a de quoi nous évoquer le livre « La mort est mon métier», démontrant comment de bons professionnels zélés peuvent se faire les meilleurs complices de régimes criminels.
On se suicide, on assassine les autres en les forçant à ingérer la pilule, en exerçant sur eux toute forme de coercition possible pour qu’ils cèdent. Jusqu’au coup de couteau, là encore prétendument destiné à épargner l’horrible souffrance du gaz toxique. Sauf qu’une telle blessure n’a surement rien à envier au gaz : le simulacre s’effondre, il apparait évident que l’on tue par égoïsme et par idéologie et non pour se sauver de quoi que ce soit = pour ne pas partir tout seul, pour emmener les autres avec soi dans la mort. C’est donc véritablement un crime, et non une issue de secours contrairement à ce que les protagonistes ont tenté de s’auto-persuader durant tout le film. Ce film évoque la peur comme outil pour paralyser la réflexion, la peur comme outil de résignation, comme outil de contrôle des masses face à l’espoir, certes faible mais vivace, de ceux qui passent entre les gouttes et survivent.
Un bon parent aurait respecté le choix de son enfant et aurait pris le risque de l’accompagner dans la survie du monde d’après, quitte à souffrir. Plutôt que de prendre le risque de l’abandonner seul, dans une maison emplie des cadavres de sa famille. Et plutôt que de préparer une énième fête superficielle, se serait investi pour tenter de protéger son enfant du gaz toxique. Ils ont préféré s'abandonner à la pilule pour faire la fiesta, plutôt que de prendre un minimum de mesures (comme de calfeutrer les fenêtres) pour continuer à avancer, quitte à devoir renoncer à certains conforts.