Le film "Le Comte de Monte-Cristo" version 2024 pose un problème majeur pour ceux qui, comme moi, gardent en mémoire les téléfilms diffusés à la fin des années 90 sur TF1. Avec un format bien plus long, ces téléfilms avaient le luxe de prendre leur temps, d'explorer pleinement les intrigues, et surtout, de rester extrêmement fidèles au roman d'Alexandre Dumas. En comparaison, cette nouvelle adaptation souffre de coupes scénaristiques qui, à mon sens, altèrent l'essence même du personnage et de l'histoire.
D'abord, il y a le traitement du personnage principal. Là où Gérard Depardieu incarnait un Edmond Dantès habité, qui disparaissait totalement derrière le masque du Comte de Monte-Cristo, Pierre Niney, bien qu'il fasse preuve d'un jeu très juste, n'arrive jamais vraiment à faire oublier l'acteur derrière le rôle. Son Comte manque de cette intensité presque effrayante que Depardieu parvenait à capter, cette rage froide et calculée. Ici, Niney semble plus sobre, peut-être trop, ce qui donne un Comte lisse, sans cette profondeur qui rend le personnage si mémorable dans l'œuvre originale.
Ensuite, il y a le scénario lui-même. Le roman est truffé de répliques puissantes, des punchlines qui marquent et qui donnent tout son poids à la quête du Comte. "Je ne suis pas venu trouver Dieu, je suis venu lui dire que je le remplaçais", par exemple, est une phrase emblématique, mais aucune scène du film ne semble porter une telle force. Le film se concentre presque exclusivement sur l'aspect "vengeance", négligeant la notion de justice qui est pourtant au cœur de l'intrigue. L'adaptation donne l'impression que son scénariste n'a pas saisi toute la complexité du roman, laissant de côté des éléments cruciaux pour comprendre la transformation de Dantès en Monte-Cristo.
Certaines scènes phares, attendues avec impatience par les amateurs de l'œuvre, perdent malheureusement de leur impact. Le film omet des moments clés du roman ou les expédie trop rapidement. Par exemple, la résolution du duel final, si central dans le dénouement de l'histoire, est éludé pour nous ramener directement à la scène qui le suit. Ce choix de mise en scène laisse le spectateur sur sa faim, et le film gaspille du temps sur des plans lents, presque contemplatifs, qui auraient pu être mieux utilisés pour approfondir les relations entre les personnages ou leur psychologie.
Quelques scènes, cependant, laissent entrevoir un potentiel qui aurait pu être pleinement exploité, comme la rencontre entre Edmond et Mercédès juste avant le duel. Mais, avec un scénario qui semble avoir tellement tranché dans le gras, même les meilleures intentions d'acteurs talentueux ne suffisent pas à sauver un film dont la sauce ne prend jamais complètement.
Je suis malgré tout content que ce film ait trouvé son public et qu'il contribue à financer d'autres projets cinématographiques. Mais je ne peux m'empêcher d'être déçu à l'idée que la majorité des spectateurs s'arrêteront à cette adaptation, sans aller plus loin dans la découverte de ce qui fait la force du roman d'Alexandre Dumas. Ces mêmes spectateurs passeront totalement à côté de la richesse et de la complexité de l'œuvre originale, qui avait été brillamment captée par les téléfilms de la fin des années 90.