Alexandre Dumas serait-il l’inattendu sauveur du cinéma français « post COVID » ? Quelques mois après le très recommandable deuxième volet des « Trois Mousquetaires », c’est à son autre chef d’œuvre que se sont attelés Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière. Je reconnais que j’ai un faible pour ce roman-là, que je trouve plus romanesque, plus emballant, et aussi plus complexe que les autres romans de Dumas. Les histoires de vengeance, c’est toujours assez jouissif, au cinéma comme en littérature, ça ne peut que fonctionner. Le moins que l’on puisse dire, c’est que « Le Comte de Monte-Cristo » est un film ambitieux. Pendant presque 3 heures, le film nous embarque quasiment sans jamais faiblir dans une histoire que l’on a vraiment plaisir à redécouvrir. Si l’on excepte quelques toutes petites longueurs, quelques petites scènes dialoguées un tout petit peu trop écrites, une musique parfois un tout petit peu envahissante (quoi qu’assez agréable à l’oreille), le film en met quand même plein la vue. Qualité des décors (mention spéciale au palais du comte), soin apporté à la reconstitution de l’époque de la Restauration, à la photographie et aux costumes, le film du duo Delaporte/de la Patellière tient amplement ses promesses visuelles. Il y a de jolis plans (visiblement, ils aiment les plans aériens), c’est bien monté, il y a un petit peu d’action bien dosée, un petit peu de suspens mais pas trop, tout est bien pensé pour donner au final un film qui doit être vu en salle et sur un grand écran. Alors oui, le film est long, presque 3 heures. Il aurait facilement pu se transformer en deux films, cela aurait sans doute été même plus intéressant financièrement. Et bien non le choix a été fait de présenter un film de 3 heures, un film grand public sur un classique déjà maintes fois adapté, un film grand spectacle modernisé qui peut plaire aussi bien à un public amateur de Dumas et à un jeune public. La narration est linéaire, toute la première partie consiste en des sauts de puces dans le temps (le complot et l’arrestation, la prison, l’évasion, la découverte du Trésor des Templiers) pour arriver à une seconde partie paradoxalement plus sombre : la vengeance. Le scénario tord un peu le bras au roman de Dumas, d’après les souvenirs que j’en ai, mais il a le mérite d’être malgré tout très cohérent. Le jeune Edmond Dantès est un jeune homme solaire, fougueux, naïf et idéaliste. Pendant toute la première partie, jusqu’à la découverte du trésor, c’est un innocent qu’on a sacrifié, un homme classé nettement du côté du Bien. A mi-film, les choses se brouillent. Devenu richissime, consumé par la vengeance telle une allumette, l’Homme devient ombrageux, calculateur, froid et même, par moment, effrayant. Le scénario imprime l’idée que la vengeance d’Edmond, aussi délectable et élaborée qu’elle soit, est en réalité une vengeance assez vaine. Il croit rendre justice, mais en réalité il ne fait que céder froidement à sa colère.
Ceci dit, la façon dont il ruine Danglars le négrier fait quand même plaisir à voir !
Pour servir ce grand roman il fallait un grand casting. Et d’abord, je veux souligner que les « méchants » sont parfaits : Bastien Bouillon, Laurent Lafitte et surtout Patrick Mille. Le premier est un amoureux jaloux qui a trahit son frère de lait, il semble porter sur lui la marque de l’infamie (œil crevé, douleurs) et il est, sans doute inconsciemment, torturé par ses actes. Le deuxième est un procureur pourri d’ambition prêt à tout sacrifier à sa propre réussite (sa sœur, son enfant). Le dernier est un négrier, un arriviste sans scrupule obsédé par l’argent. L’Amour, l’Ambition, l’Argent, les trois A sont les trois bourreaux d’Edmond Dantès
et il les punira par là où ils péchés.
Lui, c’est Pierre Niney dans le rôle de Dantès/Monte-Cristo. J’aime beaucoup Niney, et je le savais capable de jouer la candeur de Dantès mais aussi la duplicité de Monte-Cristo. Je ne suis pas déçue. Dans les scènes où il se grime, il tout à son affaire (mention spéciale pour Lord Halifax). Niney n’est plus un jeune premier, l’ancien de la Comédie Française en a encore sous le pied. Son amoureuse tragique, incarnée par la délicate Anaïs Demoustier, aurait presque mérité plus de scènes tant elle est délicate et juste. Honnêtement, « Le Comte de Monte-Cristo » est une réussite. Certes le film est calibré pour le plus grand nombre, il est pensé pour plaire aux amateurs de Dumas comme aux néophytes, certes on peut trouver la réalisation trop appliquée, presque scolaire. On peut argumenter qu’adapter encore une fois Dumas c’est manquer de créativité. Tout ceci est entendable mais la salle était pleine, et le public visiblement charmé. Allez-y en salle, il n’y aucune raison de bouder son plaisir !