Tant de moyens mis en œuvre, tant d’espoirs chez le public qui aime ce roman - l’un des monuments de la littérature française - pour un tel résultat… ! Les producteurs et scénaristes de ce Comte de Monte Cristo n’ont rien trouvé de mieux que de gâcher leur film de bout en bout.
Le scenario est simpliste et convenu, quasi hollywoodien. Il contredit toutes les intentions de Dumas. Le langage est inutilement modernisé. Les personnages ne sont pas fouillés, et ne suscitent pas de réaction de la part du spectateur. Pourtant, Pierre Niney a vraiment la gueule de l’emploi, mais on lui a concocté un Dantès unidimensionnel, simplement empli de vengeance, sans aucune intelligence ni caractère. Haydée, volubile, complotiste et hyperactive, devient une jeune fille totalement à l’opposé de celle de Dumas, douce, soumise, mystérieuse, digne et courageuse. Lafitte est absolument fade en Villefort, avec une seule bonne réplique - qui passera d’ailleurs certainement inaperçue -. Seul Bastien Bouillon sort du lot par son interprétation ; il aurait certainement fait un très bon Fernand Mondego, plutôt que cet aristocrate frustré de se faire piquer sa fiancée par un rival socialement inférieur (premier cliché). La baronne Danglars (Hermine devenue Victoria, sans doute dans le but raté de faire « jeune ») est aussi bien interprétée par Julie de Bona, et aurait méritée d’être plus développée. Ne parlons part d’Albert de Morcerf, efféminé, timide et maladroit, obnubilé par Haydée et ignorant Monte Cristo, à l’opposé là encore de celui de Dumas. Et il y a les absents notables, en particulier Morrel père et fils, ou encore Héloïse de Villefort, évacués alors que ce sont des personnages clefs.
On n’adhère à rien ou presque dans ce film, sans parler de scènes absolument décousues ou ridicules : celles où André dénonce le procureur de Villefort comme son père naturel ayant voulu se débarrasser de lui est très mal amenée et sans force ; Dantès survivant à un duel au cours duquel il reçoit clairement une blessure mortelle laisse le spectateur incrédule ; seule la scène de la maison d’Auteuil est assez bien jouée.
Enfin, ce film sacrifie enfin aux thèmes du moment (autres clichés) par des allusions grossières et inutiles, comme cette Angèle inventée de toutes pièces, amazone ultra-féministe forcément maltraitée par son frère, Eugénie Danglars qui se croit obligée de faire un coming out (c’est bien plus subtilement suggéré dans le roman), ou encore le baron Danglars en infâme négrier.
Décors grandioses (demeures, bateaux) et beaux costumes ne suffisent pas à rattraper la catastrophe. Une vraie déception, surtout quand on se dit qu’il suffisait de suivre l’histoire pour, avec les moyens d’aujourd’hui, produire un film qui aurait fait date. Hélas, comme ce genre de « produit » rapporte quoi qu’il arrive de l’argent, les producteurs s’en sortiront sans honneur, mais plus riches, et in fine avec le sentiment d’avoir eu raison et l’envie de recommencer !