Ai vu "Par coeurs" documentaire de Benoit Jacquot. En tant qu' admirateur absolu d'Huppert je ne pouvais pas manquer ce rendez-vous. Bon évidemment j'ai un énorme problème avec Luchini mais justement le parallèle entre ces deux comédiens diamétralement opposés, sur le papier est passionnante. Le film est construit en 3 partie. Nous sommes au dernier Festival d'Avignon (Eté 2022) et Benoit Jacquot suit et dialogue avec les deux acteurs qui se produisent dans deux spectacles très différents chacun de leur côté. Huppert est le centre de "La Cerisaie" jouée dans la cour du Palais des Papes, spectacle tant attendu et finalement un peu raté, Luchini vient pour faire une lecture de textes de Nietzsche devant un public acquit d'avance. La première partie est consacrée à Isabelle Huppert qui entre petit à petit dans le costume de La Huppert qui a du mal à mémoriser le texte de Lioubov Andréïevna Ranevskaïa. Huppert est vulnérable, humble, ressasse, défaille, recommence, se met une pression de dingue, s'isole, s'endort, recommence encore et encore cet enchainement sur lequel elle bute... irrémédiablement, Huppert défaille, est envahie par le trac et a un trou de mémoire pile à l'endroit où elle l'appréhendait tant depuis longtemps, Isabelle devient de plus en plus humaine, Huppert s'efface et disparait. Luchini s'écoute parler, site Jouvet à tout bout de champ comme s'il avait été son élève, théorise, sur articule les consonnes à l'infini, s'écoute faire des effets alors que son discours est totalement à l'opposé, s'emporte dans ses théories, fait des digressions, reviens à Nietzsche qu'il commente entre deux phrases lues. On ne verra jamais vraiment Fabrice, qui de toutes les façons n'a pas le trac, lui. Son public se moque pas mal de ce qu'il lit, du moment que Luchini fait son show. La deuxième partie prend fin, épuisante ! Puis le troisième acte alterne une interview des deux acteurs chacun dans une voiture les ramenant d'Avignon ayant pour thème le trac du au par coeur principalement. Quel dommage que ces deux personnalités ne se rencontrent jamais, ne partagent pas leurs expériences, leurs techniques, leurs émotions. La bande annonce est bien mieux montée que le documentaire en lui-même. Benoit Jacquot enfonce un peu des portes ouvertes, et rien n'est moins intéressant que de voir un acteur répéter, attendre en coulisses, se concentrer où s'éparpiller avant d'entrer en scène. La première partie est passionnante parce que justement Isabelle laisse tomber le costume d'Huppert qui la vampirise et l'étouffe de plus en plus. Mais l'exercice du documentaire est un peu vain. A voir pour les étudiants comédiens et autres artistes et les fans de Luchini la Rock-star et l'humaine Isabelle.