La violence de l’intimidation
Jean-Paul Salomé n’est pas un perdreau de l’année car il hante les plateaux de tournage depuis 1991, sans pour autant de traces indélébiles. Quelques accessits pour Les Femmes de l’ombre, Je fais le mort et surtout en 2020, La Daronne. Cette fois, avec ces120 minutes d’extrême tension, il frappe fort et juste. Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs… est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ? Une incroyable histoire vraie qui tient en haleine et expose, une fois de plus au pinacle, une immense actrice.
Avec ce film-dossier, on touche au sommet du sordide. La sortie du livre enquête éponyme a élevée la journaliste Caroline Michel-Aguirre au rang de lanceuse d’alerte puisqu’elle démonte pièce par pièce, jour après jour ce qui relève de l’affaire d’Etat. Le film retrace avec minutie 6 années pendant lesquelles On est allé très loin pour contraindre notre « syndicaliste » à arrêter ses investigations... Le parcours de cette femme, sa mise en accusation, sa rédemption, ses moments de doute ou de dépression dont elle triomphe, constituent déjà un récit de cinéma dans la lignée des productions américaines. Selon la vraie Maureen Kearney, - qui a validé l’ensemble du scénario – même si les scènes familiales relèvent totalement de la fiction, une très grande partie du film est fidèle à ce qui s’est passé : certains dialogues sont exacts au mot près, notamment ce que l’on entend au cours des deux procès. Le personnage de Maureen Kearney est pour le moins singulier, depuis le début de son combat jusqu’à la dernière scène, sa déposition magnifique devant la commission de l’Assemblée Nationale. elle se bat contre une sorte d’hydre tentaculaire qui la dépasse. On ne peut que penser à une autre femme seule contre tout, Erin Brockovich, et le superbe biopic de Steven Soderberg en 2000.
Ici, ce n’est pas Julia Roberts qui est en haut de l’affiche mais la magistrale Isabelle Huppert, qui incarne avec force et conviction une femme broyée par un système qui la dépasse. Autour d’elle, on a réuni un casting à la hauteur de son interprète pricipale et des ambitions du film avec Yvan Attal, Marina Foïs, Grégory Gadebois, François-Xavier Demaison, Pierre Deladonchamps, Gilles Cohen. Pour sublimer le tout, la musique de Bruno Coulais ajoute au trouble de cette histoire vraie pas comme les autres. Un film aussi perturbant qu’édifiant, un thriller politico-économique courageux, - car les protagonistes de cette manipulation plus que tortueuse sont cités nommément -, comme on en voit rarement dans le cinéma français… Et puis quelle actrice extraordinaire !