Baya Kasmi s'est inspirée de l'expérience qu'elle a vécue avec la sortie de son premier long-métrage, Je Suis À Vous Tout De Suite. "Ce qui m’intéressait c’était la façon dont les traumatismes intimes pouvaient influencer nos choix de vies, politiques ou religieux. Le film a été reçu sous un angle sociétal, et on m’interrogeait sur l’immigration, l’islam, les cités, le voile... J’avais l’impression que tout le monde voyait le film comme une thèse sociologique sur les maghrébins de France [...]", se souvient-elle. Il s'agissait par ailleurs d'une oeuvre personnelle, dans lequel elle évoquait des éléments de son enfance. La sortie du film a été un moment émotionnel avec sa famille, elle a pris conscience que "la liberté de raconter une histoire engage les autres malgré nous, et malgré eux." Avec Youssef Salem a du succès, elle voulait soulever les questions suivantes : "est-ce qu’en France l’arabe a droit au romanesque ? Est-ce qu’il a le droit à la tragédie, à une dimension mythique ou universelle, en dehors de son appartenance sociale et religieuse ?"
Une partie du film se déroule à Port-de-Bouc, dans les Bouches-du-Rhône, où vivent les parents du héros. C'est aussi dans cette cité qu'a été tourné Bac Nord. "C’est drôle de voir à l’écran les deux versions imaginaires radicalement différentes de cette cité tranquille en bord de mer", s'amuse la réalisatrice.
À l'instar de son précédent long, Je suis à vous tout de suite, Baya Kasmi a écrit le scénario avec son compagnon Michel Leclerc. Le couple a aussi écrit ensemble la plupart des films de ce dernier, comme Le Nom des gens, La Lutte des classes ou encore Les Goûts et les couleurs. Baya Kasmi revient sur leur collaboration : "C’était vraiment un processus ludique et jubilatoire, dans la lignée de nos précédentes écritures communes mais avec une légèreté nouvelle, qui nous a donné une liberté totale de récit. Rien n’est vrai mais en même temps tout l’est. Nous n’avions pas peur de lancer des idées absurdes, du moment que nous parvenions à en faire quelque chose de juste et de crédible pour le public."
Le film est divisé en deux parties : la partie en voix off au début du film incarne le roman de Youssef et le reste du film représente la réalité. Le format scope s’est imposé à la réalisatrice car "c’est le format cinéma de mon enfance, qui vous plonge aussitôt dans l’imaginaire d’un récit ample et loin de tout réalisme social. Tous les plans du roman étaient très pensés, frontaux, plus esthétisants que dans la vraie vie." À l'origine, elle voulait revenir à un format 2.65 pour la suite du récit mais a décidé de conserver le scope après les essais caméra : "l’histoire de Youssef était tout aussi héroïque. On a donc décidé avec Julien Roux, le chef opérateur, de travailler la lumière différemment tout en gardant le même format. Il y a une forme de déformation de l’image propre à ce format qui propose une réalité mouvante qui est celle de l’écriture et qui incarne le point de vue."
Baya Kasmi a écrit le personnage de Youssef pour Ramzy Bedia, qu'elle avait dirigé dans son premier long-métrage. Elle lui avait parlé du projet dès la sortie de Je Suis À Vous Tout De Suite : "Il a eu la générosité extrême de me dire qu’il ferait le film. Le scénario n’est arrivé que sept ans plus tard et il a tenu parole !" Au sujet de l'acteur, la réalisatrice affirme : "Je voulais écrire un rôle à la mesure de sa grâce burlesque, de sa profondeur, de son charisme. Ramzy est un grand acteur, toute la comédie tient sur la sincérité de sa partition dans le film."
Ramzy Bedia donne la réplique à sa soeur, Melha Bedia, vue dans Forte et la série Miskina, la pauvre. La réalisatrice raconte : "J’ai demandé son avis à Ramzy avant de lui proposer le rôle et il a tout de suite été enthousiaste. Ça a donné des choses très fortes parce qu’ils se sont servis aussi de leur complicité réelle"