Dans une tour encore plus impressionnante que les frères Grimm n'auraient pu l'imaginer pour y emprisonner Raiponce, une princesse enchaînée se repose d'un sommeil renvoyant à l'image séculaire de la Belle au bois dormant... avant de se réveiller pour coller une belle raclée aux gardes patibulaires qui s'introduisent dans sa chambre !
Loin de la jeune femme en détresse attendant son preux chevalier pour la sauver, la princesse du film de Le-Van Kiet ("Furie") va en effet prendre son propre destin en main pour mettre un méchant coup de vieux à cet archétype poussiéreux des contes et sauver son royaume de la soif de pouvoir d'un méchant prince qu'elle a elle-même éconduit. À la manière d'un jeu vidéo aux boss toujours plus puissants par leur taille ou par leur nombre, la belle va descendre du sommet de sa tour en bottant toutes les fesses ennemies qu'elle croise à chaque niveau jusqu'à espérer atteindre sa famille retenue en otage par les infâmes pourfendeurs de ce royaume ouvert et tolérant envers les étrangers.
L'idée d'un conte de fée revisité en mode "The Raid" avec une héroïne combative aspirant à son indépendance face aux diktats de la haute-société moyenâgeuse était plutôt amusante et, quelque part, "The Princess" cherche à y ressembler en exécutant grosso modo ce que les bases de cette formule pouvaient suggérer. Le souci c'est que le film donnera constamment l'impression de se cantonner aux rudiments les plus sommaires de son concept sans jamais se donner les moyens de les transcender ou de les emmener vers des sommets un tant soit peu mémorables. En ce sens, le discours féministe en restera à des fondamentaux finalement déjà maintes fois explorés via ce personnage de princesse rebelle (Disney le fait même depuis des décennies), où la victoire ultime et espérée de cette fille de roi sur un vilain caricatural (un vrai bon gros modèle de toxicité masculine par ses frustrations mises en avant) deviendra le principal moyen de prouver sa plus-value guerrière auprès de ses proches, pendant que l'instantanéité de l'intrigue ("je me réveille, je me bastonne") condamnera le film à passer d'un boss à l'autre avec, pour seuls grands développements, des flashbacks rappelant de grossières cinématiques explicatives de jeu vidéo et amenés avec au moins autant de lourdeur que l'humour de l'ensemble (outre le décalage comique convenu entre les actes violents et le statut précieux de la jeune princesse, le running-gag majeur sera assuré par un chevalier obèse et donc benêt... un brin gênant pour un film voulant bousculer les archétypes par sa modernité).
De même, et on attendait forcément "The Princess" là-dessus, la mise en scène des multiples affrontements se montrera trop timide pour emporter une adhésion autre que partielle, préférant souvent le refuge d'un certain surdécoupage là où la fluidité de rapides plans-séquences aurait mérité d'être privilégiée sur la longueur afin de renforcer cet espèce d'effet "tournis" que Le-Van Kiet semble tant rechercher, en corrélation avec le confinement cylindrique des décors de son immense tour. D'ailleurs, quand le film quittera ce cadre dans sa dernière partie, il perdra le peu de spécificité qu'il avait côté action pour se ranger vers quelque chose d'encore plus classique et parfois un peu cheap (l'assaut final des chevaliers ennemis) malgré des fulgurances lui permettant d'assurer un minimum le spectacle.
En cela, "The Princess" saura au moins réserver quelques moments efficaces à défaut de savoir se montrer audacieux en globalité, nous plaçant dans l'attente d'un "mieux" qui ne se montrera qu'en de rares occasions mais qui permettra au film de ne jamais faire sombrer le spectateur dans l'ennui total. Le tout sera soutenu par la prestation solide de Joey King, visiblement heureuse de se défouler en action-princess plutôt que de voir sa carrière s'enliser dans une énième bluette adolescente, face à des méchants qui s'éclatent manifestement à être très méchants : Dominic Cooper et Olga Kurylenko (en passant, le fait que la seconde soit déconsidérée par ses hommes de main aurait pu faire un parallèle intéressant avec l'héroïne... mais, là encore, la piste en restera à des balbutiements).
Certes, ce ne sera pas suffisant pour faire de l'ensemble un film aussi singulier que ses créateurs et participants semblent le croire mais si, avant d'aller dormir un soir, le grand enfant que vous êtes a envie de lire à la va-vite une histoire mineure et remplie de coups de lames pointues plutôt qu'un classique du conte intemporel, "The Princess" en sera le parfait pendant cinématographique. On peut imaginer sans mal qu'un John Wick devenu père le lirait/montrerait à sa fille en tout cas.