Katy Brand a écrit une première ébauche de Mes rendez-vous avec Leo en janvier 2020 : "Je ne savais pas très bien ce que j’allais en faire, ou ce que ça allait donner, mais j’avais cette idée depuis un bon moment", se rappelle la scénariste, qui se souvient de ce qu’elle envisageait pour la séquence d’ouverture :
"Dans une chambre d’hôtel, une femme de 60 ans attend un jeune homme qu’elle a choisi pour coucher avec lui. C’est un prostitué. Je visualisais cette scène dans ma tête, je voyais cette femme qui attendait et ce type qui se dirigeait vers sa chambre : on entend seulement quelqu’un qui frappe doucement à la porte..."
Après la scène de la rencontre, Katy a senti que les dialogues lui venaient naturellement. La scénariste a poursuivi l’écriture et a achevé une première mouture qu'elle a fait parvenir à Debbie Gray, productrice de chez Genesius Pictures, qui recherchait des projets susceptibles d’être tournés dans un cadre intime.
Lorsque Debbie Gray a demandé à Katy Brand qui elle imaginait pour le rôle principal, elle lui a répondu qu’elle avait toujours pensé à Emma Thompson (avec qui elle était amie et avec qui elle avait collaboré pour Nanny McPhee).
"J’ai écrit le script pour Emma et avec sa tonalité particulière en tête. Je savais qu’elle aurait un certain tempo et une certaine élocution – qu’elle pourrait être drôle et authentique en même temps", précise la scénariste.
"Âgée d’une soixantaine d’années, Nancy est prof d’éducation religieuse à la retraite. Elle est veuve depuis deux ans et elle prend la décision incroyablement courageuse et surprenante de faire appel aux services d’un jeune prostitué. Elle est courageuse mais elle a aussi de nombreuses failles."
"La plupart de ses convictions sont aux antipodes de la pensée woke – et j’adore ça, car cela correspond à 90% de la population. Ses préjugés, ses a priori, son comportement n’ont rien d’atypique. C’est donc une personne d’une normalité absolue qui décide de s’engager dans cette relation d’une intimité rare."
Une fois Sophie Hyde et Emma Thompson attachées au projet et les financements réunis, il a fallu dénicher l’interprète de Leo, ce qui s'est avéré difficile compte tenu du fait qu'il était important de trouver un acteur qui puisse former un duo convaincant avec une actrice aussi confirmée que Emma. La productrice Debbie Gray confie :
"Emma Thompson est une légende, et on a eu la chance qu’elle accepte de s’engager dans le projet très en amont. C’est ce qui a permis à Emma d’enrichir la trajectoire du personnage tout au long du développement et de nous aider à repérer l’interprète de Léo Grande. L’alchimie entre les deux protagonistes était cruciale."
Sophie Hyde et son équipe ont consulté de véritables travailleurs du sexe : "Je me suis beaucoup documentée sur eux. On a eu de formidables consultants qui avaient une expérience réelle, et leurs anecdotes et éclairages étaient épatants."
"On voulait faire en sorte que notre propos ne soit jamais offensant, qu’il semble réaliste pour tous ceux qui sont concernés par ces métiers où l’on est dans une très grande proximité avec les gens", se souvient la réalisatrice.
Les répétitions ont constitué une étape majeure pour que les acteurs et l’équipe de tournage se sentent à l’aise. Emma Thompson se souvient : "Pour s’aventurer dans un territoire aussi sensible, Emma et Daryl devaient être prêts à lâcher prise."
"Ils étaient prêts à se mettre en danger physiquement et à se mettre à nu. Les deux acteurs se sont surpris eux-mêmes en répétant les dialogues du scénario. On répétait, et puis par moments on n’arrivait plus à aller au bout de la répétition tellement on riait."
"On cherchait à travailler notre texte, et parfois, on n’arrivait pas à sortir nos répliques, mais quand on y parvenait, elles étaient parfois bouleversantes et poignantes."
Sophie Hyde poursuit : "S’agissant de la nudité, par exemple, on aurait très bien pu décider qu’il n’y ait aucune scène de nu et faire en sorte que tout soit suggéré. À l’inverse, on aurait tout aussi bien pu avoir de très nombreuses scènes déshabillées."
"On en a beaucoup parlé, on a fait pas mal d’essais et on était constamment à l’écoute de leurs choix, tout comme eux étaient attentifs à ce qui, à mes yeux, était la bonne solution. Et je gardais toujours à l’esprit qu’ils pouvaient également changer d’avis."
Comme l’essentiel du film se déroule dans un lieu unique, la réflexion concernant le décor a surtout concerné la chambre d’hôtel où se retrouvent Nancy et Léo. Sophie Hyde et ses collaborateurs ont veillé à créer un espace ménageant la présence – discrète – du monde extérieur :
"On voulait que le film soit intimiste, mais pas claustrophobe, et je crois qu’on y parvenu en jouant avec le décor, les mouvements d’appareil, l’éclairage et un grand ‘translight’ – vaste toile de fond laissant passer la lumière – qui offrait un panorama depuis le décor construit en studio."
"Léo Grande est un jeune homme d’aujourd’hui qui gagne sa vie en se prostituant et qui rencontre Nancy lorsque celle-ci fait appel à ses services. Ce personnage m’a vraiment emballé parce qu’il se connaît parfaitement et qu’il contrôle son propre plaisir – c’est son superpouvoir !"
"Il a eu sa dose d’humiliation en matière sexuelle, et il a réussi à s’en affranchir. Il se sert de sa capacité à exprimer ses émotions et de ses propres désirs sexuels pour permettre aux autres de découvrir les leurs. Nancy a été privée de sexualité et de plaisir, et Léo s’est découvert une vocation en permettant à ses clientes d’y accéder – et en leur permettant de découvrir leur pouvoir grâce à leur sexualité."
La chef-décoratrice Miren Marañon a construit une chambre d’hôtel qui soit "contemporaine et neutre, autrement dit un espace qui ne soit pas luxueux et dont la palette de couleurs était limitée". Le plus difficile, avec un lieu unique, "c’est qu’elle n’a pas de cachet, comme une maison ou un appartement", selon Sophie Hyde.
Pour y remédier, la cinéaste et Miren Marañon ont voulu insufer "une forme de sensualité au mobilier. On a donc utilisé beaucoup de tissus texturés. On a fini par obtenir une très belle moquette bleue, bien épaisse, que j’adore". Au bout du compte, il s’agissait de trouver un équilibre entre la neutralité de la chambre et sa force visuelle.