Les Voisins de mes voisins sont mes voisins est réalisé par Anne-Laure Daffis et Léo Marchand. Ils se sont rencontrés au lycée puis se sont retrouvés en fac d’Arts Plastiques. S’ils ont commencé à peindre ensemble, le fait d'être exposés dans des galeries ne les intéressait pas : « Dépendre d’un public et d’acheteurs galeristes ou particuliers nous a toujours posé problème. Au cinéma, on est payé pour le travail, la recherche qu’on engage pour faire le film pas pour le résultat, c’est très différent. En plus, le cinéma pouvait nous permettre de travailler l’image, ce que nous faisions à la fac mais aussi sur l’écriture, le son... »
En 2007, suite aux multiples prix reçus au festival de Clermont-Ferrand pour leur court-métrage La Saint-Festin, le producteur Jean-Pierre Ramsay-Lévi a proposé à Anne-Laure Daffis et Léo Marchand une carte blanche pour réaliser un long. Mais le duo s'est rendu compte qu’il manquait encore d’expérience, d’autant qu’il s’est aperçu qu’il n’avait pas la même idée de film que le producteur. Le contrat a alors été rompu puis Daffis et Marchand ont perdu les droits de leur scénario. Ce n’est qu’après plusieurs courts-métrages qu’ils ont décidé de s’essayer à nouveau au format long, en réemployant notamment deux personnages de leurs courts : un ogre et un magicien.
Le scénario est né de l’envie de raconter plusieurs histoires qui se croisent, à la manière de Short Cuts mais dominé par un ton humoristique. « Ça a toujours été un projet de comédie, même si le film est habité par une certaine mélancolie, à commencer par cette idée de gens qui s’agitent désespérément en tous sens avant de finir figés, les uns dans un terrible accident de la route, les autres dans un ascenseur en panne et d’autres encore dans un gigantesque bouchon sur les autoroutes », raconte Léo Marchand.
Le magicien Popolo est inspiré par Roberto Benigni dans Down By Law. Les réalisateurs ont même proposé le rôle à l’acteur, qui l’a refusé. Le personnage devait s’appeler à l’origine Benini.
Le vieux monsieur Demy est évidemment un hommage à Jacques Demy, et plus largement, comme l’explique Léo Marchand, « à un cinéma que nous aimons beaucoup et malheureusement mort ou en train de disparaître ». Pour ce rôle, ont été envisagés à l’époque Michel Piccoli, puis Alain Cavalier qui déclina et Jean-Pierre Mocky qui ne convenait finalement pas. Cependant, la rencontre avec Mocky s’est avérée fructueuse : « c’est en voyant un de ses films, L’Ibis rouge, qu’on a trouvé le comédien pour incarner Demy : Michel Serrault. Non seulement il incarne ce cinéma mort et tant aimé mais il est mort lui-même ! C’était une très bonne idée. On s’est mis à rechercher un imitateur et Didier Gustin s’est tout de suite imposé. »
Le film multiplie les techniques d’animation : papier découpé, dessins, emploi d’archives… C’est Anne-Laure Daffis qui a signé tous les dessins ou presque du film. Pendant 4 ans, du story-board aux dessins définitifs, elle a dessiné sans interruption. Une toute petite équipe l'a rejointe quelques mois pour l’animation des personnages d’après des pochettes qu’elle a préparé une par une, c’est-à-dire plan par plan en écoutant au casque le montage fait des voix. Son co-réalisateur décrit Anne-Laure comme « une autodidacte. Son trait peut paraître brut, brouillon et c’est vrai mais il est aussi extrêmement délicat et détaillé. Ne pas avoir appris comment faire le posing donne à son travail toute son originalité. Il n’y a pas de recours à une technique préétablie, seul son instinct est aux commandes, son ressenti pur. »