Absent des salles depuis six ans, Park Chan Wook revient aujourd’hui avec ce ‘Decision to leave’ dont le plus grand atout est, à l’instar de ce qui caractérisait l’extraordinaire ‘Parasite’ de son compatriote Bong Joo Hon, de mêler différents genres (ce qui n’est pas difficile) dans un équilibre parfait (ce qui l’est nettement plus). Tout commence par la mort suspecte d’un grimpeur, que l’absence d’affect avec laquelle son épouse reçoit la nouvelle rend encore plus suspecte…surtout que l’inspecteur chargé de l’enquête va très vite tomber sous le charme de la veuve…et on ne peut pas demeurer tout à fait impartial dans cette situation, même quand il est impossible, éthiquement parlant, d’entamer une histoire avec une criminelle potentielle. Dans un film plus classique, l’attirance du flic pour la prévenue aurait été explicite mais le scénario se serait intéressé en priorité à la possible technique de manipulation sous-jacente, dans un sens ou dans l’autre. Cette fois, les choses sont à la fois plus délimitées et plus imbriquées : d’une part, il y a l’enquête, passionnante et sujette à de multiples pistes et rebondissements ; d’autre part, il y a une véritable romance mélodramatique, un apprivoisement mutuel, des regards, des mains qui se frôlent…mais si un certain doute est effectivement entretenu tout au long du scénario sur l’authenticité de ces sentiments mutuels, jamais la piste criminelle ne sera évacuée pour donner la priorité aux sentiments amoureux et jamais cette observation de l’intimité naissante entre deux personnes aux positions potentiellement antagonistes ne sera négligée par la nécessaire conclusion logique et cartésienne à apporter au Whodunit. ‘Decision to leave’ est divisé en deux parties, la seconde comptant pour un petit tiers de la durée totale, et il est assez miraculeux que ce long épilogue puisse raccrocher les wagons ensemble et s’avérer aussi indispensable que la première partie alors que celle-ci, par sa construction, constituait déjà un film solide et complet à elle seule. Il séduit également par sa virtuosité (attendue) qui implique qu’il soit parfois un peu difficile d’entrer dedans, alors que le scénario multiplie les flashbacks et mêle non seulement différents points de vue mais aussi différents niveaux de perception de la réalité, par exemple lorsque l’inspecteur se projette en pensée auprès de l’/objet de son désir, dans ses activités quotidiennes qu’il espionne en parallèle réellement depuis son véhicule. A titre personnel néanmoins, j’ai été moins sensible que prévu à l’aspect mélodramatique bien que sur le papier, le côté tragique de cette romance avait tout pour me parler mais j’ai déjà constaté par expérience que ce cas de figure se produisait souvent avec les mélodrames d’origine asiatique. Le polar est en revanche parfaitement ficelé.