Tropique de la violence : les secrets du tournage

Tropique de la violence est adapté du roman du même nom écrit par Nathacha Appanah. C’est Delphine de Vigan, avec qui Manuel Schapira a écrit le scénario, qui a fait découvrir ce livre au metteur en scène. Ce dernier, qui pour l'occasion signe son premier long métrage, confie :

"Ce roman très intense à la fois beau et dur se déroule à Mayotte, le département français le plus pauvre de France, dont on n’entend jamais parler. J’ai immédiatement été captivé par ces histoires de bandes de jeunes livrés à eux-mêmes sur cette île du bout du monde."

"Ça ressemblait à ce qui se passe dans le film La cité de dieu mais en France ! Un territoire qui semblait irréel et pourtant. En tant que cinéaste, j’essaie de raconter l’absurdité du monde dans lequel la violence surgit d’un seul coup, et cette île française incarne ces problématiques, que j’ai voulu retranscrire."

Même si une partie de la population de l'île s'opposait au tournage et malgré le danger que cela représentait, Manuel Schapira et son équipe ont tourné le film à Mayotte. Il se rappelle : "On nous a dit que ce serait impossible de tourner sur l’île. Trop compliqué, trop cher, trop dangereux. Tropique de la violence n’est pas l’histoire de n’importe quelle île, c’est ce territoire-là, spécifiquement, où aucun film de cinéma n’avait été jamais été tourné. Et les habitants des bangas, les bidonvilles de Mayotte, nous ont aidés à le rendre possible."

Sur place, Manuel Schapira a pu compter l'aide de sur Papa Mwegne, un musicien et journaliste très apprécié dans la communauté comorienne, qui a accompagné le cinéaste et son équipe tout du long du tournage : 

"Il nous a introduits auprès des habitants des bangas, qui nous ont alors accueillis à bras ouverts. Ce sont des lieux très abandonnés, stigmatisés par la population avoisinante. Les personnes qui y vivent ne sont souvent en contact qu’avec le personnel administratif, médical ou des militaires. Notre équipe de tournage s’est révélée être une présence différente, inhabituelle, et créer du lien a été naturel."

Pour constituer cette bande d’enfants et d’adolescents des bidonvilles, Manuel Schapira a tenu à engager des non-professionnels qu'il a rencontrés dans la rue ou par le biais d’associations, comme la Croix Rouge, Caritas ou encore la MJC de Kani-Keli. Le metteur en scène précise :

"Ce sont des jeunes de bidonvilles différents. Quand ils se sont rencontrés, ils étaient méfiants. Mais au fur et à mesure, ils se sont rendu compte qu’ils vivaient le même quotidien, qu’ils avaient la même histoire que celle de Moïse. Beaucoup de familles débarquent à Mayotte dans l’espoir d’une vie meilleure, et quand les adultes sont expulsés, les mineurs restent seuls sur l’île, livrés à eux-mêmes."

Fazal Bacar-Moilim, qui joue le tyrannique Bruce, a appris à lire et à écrire pendant le tournage, alors qu’il jouait le personnage qui avait le plus de texte.

A contrario, Gilles-Alane Ngalamou Hippocrate, qui joue Moïse, vient lui du quinzième arrondissement de Paris. Un atout puisque son personnage découvre la réalité de Mayotte. Manuel Schapira confie : "Il a découvert, un peu comme Moïse, les bidonvilles et la bande, et c’était son premier rôle au cinéma. Pour l’occasion, il a appris à nager car il ne s’était jamais baigné dans la mer. Ce film a vraiment été une suite d’aventures et de découvertes à tous les niveaux."