La puissance de l’onirisme
C’est un film fou, dense et foisonnant; au bord du génie.
Le début lance à merveille l’envoûtement (musique Angelo Badalamenti) qui ne nous lâchera plus. Une limousine dans la nuit sur les hauteurs de Los Angeles, glisse silencieuse dans Mulholland Drive, à son bord une jeune femme brune, magnifique.
Elle va rencontrer une autre jeune femme, blonde celle-là, et Lynch n’aura de cesse, dès lors, de jouer sur sur la beauté bipolaire de la Femme, blonde ou brune.
Betty (la blonde) débarque à Hollywood, pleine d’aspirations, d’ambition. Nous sommes dans la ville du rêve, Lynch nous le rappelle régulièrement, par plan ou autre subtilité interposée. Pour Rita, la brune, c’est plus complexe…
Et donc tout se mêle et s’entremêle dans une folie-carrousel de rêves.
Qui est qui? Laquelle est blonde?
Lynch réussit à merveille un film compliqué.
Bien sûr on ne comprend pas tout mais on s’en fout ! Le principal, le meilleur, est ailleurs. Nous ne sortons jamais du, des rêves… Lesquels sont bien réels puisqu’ils s’inspirent de nos réalités. Dès lors à quoi bon essayer de démêler ? Et si Lynch était cartésien, cela se saurait!
« Mulholland Drive » est une formidable hypnose consciente, au milieu de laquelle nous naviguons avec trouble, confusion (ce qui doit réjouir Lynch) et émerveillement inquiet.
Car Lynch filme serré, contribuant ainsi à cette sensation de prise (comme d’un ciment) que nous ressentons au fil de cette narration, de scènes, de rêves, de situations sans cesse mélangées.
Et puisque que nous sommes à Hollywood, un film est tourné, et là encore: qui est la comédienne ? Quid de la vraie vie ? Quelles influences ? Lynch emmêle tout avec brio.
Ce n’est pas toujours le cas à chacun de ses films… « Sailor et Lula » est assez épouvantable, « Lost Highway » par trop abscons pour le coup, « Eraserhead » moins un film qu’une expérience et « Elephant man » une merveille noire de romantisme.
Dans Mulholland, il y a tout Lynch bien sûr, et même ce qu’il n’y a pas est dedans !
Le film est servi par deux magnifiques comédiennes: Laura Haring et Naomi Watts.
La première n’a guère « fait carrière » et c’est bien dommage. Quant à la seconde, véritablement révélée par ce film, fait, elle, la carrière que l’on sait (merveilleuse friandise du « King Kong » de Jackson) avec plus ou moins de bonheur.
Dans ce film, puisque c’est Hollywood, Betty/Naomi Watts passe une audition, et l’actrice y montre tout son talent, tant et si bien que son jeu en bouscule le déroulement. Lynch raillant au passage les soaps -qui sont la dénégation même de la fiction- ainsi que les mœurs et coutumes d’Hollywood. Un très grand film.