Lors d'une première vision, je n'avais rien compris et j'avais trouvé cela indigeste. J'étais jeune, j'ai mûri.
L'histoire n'est pas hyper accrocheuse et pas autant passionnante que peuvent l'être Shutter Island ou Inception. On a tendance à perdre le fil assez facilement.
David Lynch fait ici une critique de l'essoreuse Hollywood, créatrice de rêves et briseuse de carrières.
Sur les 2h20, 2h se déroulent dans le monde des songes de Diane (Naomi Watts) ou plutôt Betty et les 30 dernières minutes, à partir du moment où Diane se réveille, correspondent à la réalité. Nous comprenons
que c'est une fuite en avant. Diane esquive ses noirceurs, ses responsabilités, ses agissements. Elle rêve d'une vie nouvelle où tout se passe comme elle le souhaite. Elle se transforme en Betty, jeune provinciale native du Canada débarquant dans la Cité des Anges, star en devenir d'Hollywood, s'entichant de Rita (Laura Harring). Quand elle se réveille, nous comprenons que c'est tout le contraire. La star montante est en fait Camilla Rhodes (Laura Harring). Elle la jalouse, elle est humiliée régulièrement et décide de la supprimer via un tueur à gages (la fameuse clé bleue). Se retrouvant face à ses démons (la sorcière au visage brûlé), elle finit par se suicider.
Ps : merci aux explications données sur slate.fr et sur cinerama7art.com
La première chose à comprendre est que l’essentiel du film décrit le rêve que Diane Selwyn (Naomi Watts) est en train de faire chez elle dans son appartement. Autrement dit, seule la dernière demie-heure du film – à partir du moment où elle se réveille – est vraiment réelle. Dans ce rêve, Diane Selwyn devient Betty et Camilla Rhodes (Laura Harring) devient Rita. Là où ça se complique en revanche, c’est au moment où on découvre plusieurs séquences de la vie de Diane une fois qu’elle est réveillée. Ces séquences apparaissent dans une sorte de désordre qui nuit à la compréhension sur le moment. Lynch ne raconte pas les événements dans l’ordre où ils surviennent mais s’attelle à nous faire vivre, de manière tout à fait chronologique, les derniers instants de la vie de Diane.
A partir des différents événements que Diane vit dans la réalité et des quelques souvenirs qu’elle se remémore, nous pouvons reconstituer son existence et comprendre comment elle en est arrivée là. En effet, nous apprenons que Diane Selwyn est née au Canada et rêve depuis toujours de cinéma. Lorsqu’elle gagne un concours de danse, elle décide d’aller tenter sa chance à Hollywood. Une fois sur place, elle se présente à une audition pour le film de Bob Brooker, L’histoire de Sylvia North, mais elle n’obtient pas le rôle car le réalisateur ne la trouve pas bonne. C’est une dénommée Camilla Rhodes qui l’obtient. Les deux jeunes femmes deviennent néanmoins amies, puis amantes, et Camilla utilise sa célébrité pour obtenir des petits rôles à Diane. Un jour, sur le tournage d’un film, Diane assiste à un baiser entre Camilla et le réalisateur Adam Kesher. Plus tard, lors d’une scène d’intimité, Camilla annonce à Diane son intention de mettre un terme à leur relation mais Diane a du mal à l’accepter. D’autant plus que Camilla va ensuite l’inviter à une fête se déroulant dans la villa de son nouvel amant. Là-bas, elle va à nouveau subir une série d’humiliations de la part de Camilla, d’Adam Kesher, de sa mère Coco et même d’une blonde qui va embrasser Camilla juste sous ses yeux. C’en est trop pour Diane qui décide d’engager un tueur au Winkie’s pour faire assassiner Camilla. Et lorsqu’elle reçoit chez elle la clé bleue, elle sait que le travail a été accompli et que Camilla est morte. C’est à ce moment que Diane titube jusqu’à son lit et s’endort. Le rêve peut alors commencer et sera interrompu par la voisine frappant à sa porte. La suite, on la connaît.
Mais qu’en est-il du rêve justement ? Celui-ci dure les 3/4 du film. Une fois qu’on a découvert le parcours de Diane Selwyn, on se rend compte que ce rêve arrive à un moment où elle est complètement au fond du trou, perturbée par la mort de Camilla dont elle est pleinement responsable. Et le rêve va lui permettre de réparer les erreurs qu’elle a commises et surtout de s’imaginer une vie pleine de réussite où elle se venge d’une certaine façon des multiples humiliations subies dans la réalité. C’est le cas par exemple du réalisateur Adam Kesher qui, dans le rêve, va être tourné en ridicule dans toute une série de séquences. D’abord avec sa femme qui le trompe. Ensuite avec l’actrice de son film qu’il ne peut pas choisir. Ou encore avec le fameux cow-boy qui l’humilie. Mais le réel intérêt du rêve pour Diane est surtout de pouvoir retrouver Camilla. Cependant, pour que l’histoire d’amour entre les deux jeunes femmes puissent renaître, il ne suffit pas simplement que Camilla revienne à la vie. Il faut également opérer des changements en ce qui concerne les prénoms. Effectivement, Diane ne peut pas conserver son prénom qui lui rappelle inlassablement à quel point elle s’en veut. Du coup, elle opte pour Betty, le prénom de la serveuse aperçue au Winkie’s exactement au moment où elle organisait le meurtre de Camilla. Cette dernière non plus ne peut pas conserver son prénom qui rappelle trop à Diane les humiliations subies sur le plateau de tournage ou encore à la fête. Elle sera donc Rita. Mais le nom de Camilla Rhodes ne disparaît pas pour autant. En effet, il est attribué dans le rêve à l’actrice qui vole le rôle de Diane. Mais cette fois-ci pas parce qu’elle est meilleure que Diane mais simplement parce qu’elle bénéficie du soutien de la Mafia. Dans le rêve, Diane n’est plus l’actrice de second plan qui s’est fait voler un rôle par Camilla, celle-là même qui lui brisera le cœur et l’humiliera. Elle est Betty, une jeune actrice insouciante qui va éblouir tout le monde lors de sa première audition. Dans le rêve, c’est elle qui aide Rita à se rétablir et à retrouver la mémoire. Leur histoire d’amour peut alors commencer sans crainte qu’elle soit parasitée par des caprices d’actrice.
Néanmoins, si on fait bien attention, on peut remarquer qu’il y a des signes qui indiquent au spectateur qu’il ne s’agit pas de la réalité (cf la fameuse séquence du « Silencio » au théâtre). En outre, en même temps que le caractère illusoire de ce qu’on est en train de voir est mis en évidence, la réalité ne cesse également d’intervenir dans le rêve. C’est le cas notamment lorsque Betty s’adresse à Rita après son accident en lui disant « Ce n’est pas bon de dormir après un accident ». Cette réplique peut paraître anodine à première vue mais ne l’est pas vraiment quand on découvre le dénouement. En effet, si on considère que Diane est en train de rêver à ce moment-là, c’est un peu comme si elle se parlait à elle-même. L’accident pour elle étant le meurtre de Camilla. Et c’est exactement pareil lorsque Camilla déclare « Je croyais que ce serait différent à mon réveil ». On y fait pas attention sur le moment mais au regard du dénouement, ce genre de réplique prend tout son sens. Ainsi, à nouveau, c’est un peu comme si Diane se parlait à elle-même mais cette fois par l’intermédiaire du personnage de Rita. Effectivement, Diane passe ses journées à dormir dans son appartement en espérant que les choses soient différentes à son réveil mais ce n’est jamais le cas, Camilla est bel et bien morte. Ensuite, quand Betty et Rita cherchent l’adresse de Diane Selwyn dans l’annuaire téléphonique, elles découvrent qu’il n’y en a qu’une seule et qu’elle habite justement dans l’appartement qu’occupe Diane dans la réalité. Et le corps qu’elle découvre sur le lit dans cet appartement n’est par conséquent qu’une sorte de projection de la future mort de Diane. A ce moment précis, rêve et réalité sont clairement entremêlés et cette séquence annonce d’une certaine façon la fin prochaine du rêve.