Emmanuel COURCOL, le scénariste de Philippe LIORET (Welcome, l'Equipier, Je vais bien, ne t'en fais pas...), signe ici son premier film en tant que réalisateur;
On ne ressort pas indemne de ce film, c'est clair. Attention, retenez votre souffle, le début est fracassant ! L'air épais de poussières, de boues et saturé de bruits d'explosion : vous y êtes, vous êtes dans les tranchées, vous suivez, hagard, Georges Laffont et ses hommes, vous êtes pris dans ce chaos infernal ! C'est une expérience obsédante, traumatisante, qui vous habite, et à laquelle vous tentez d'échapper, comme Georges, qui se baigne, se lave de toutes ces salissures, se régénère dans l'eau de la Volta. Lorsqu'il en sort, Romain DURIS plante là un personnage superbe, qui semble puiser dans le sol d'Afrique une énergie, une paix salvatrice. La splendeur des paysages, le silence et la lumière agissent comme des onguents. Diofo, un ex-compagnon d'arme, parfaitement interprété par Wabinlé NABIÉ, l'accompagne dans cette fuite salutaire où il lui sert d'interprète.
Mais la véritable épreuve est le retour en France, au milieu des gens qui ont continué à vivre : là, le temps a passé, alors que pour Georges il n'était que suspendu durant ces années passées en Afrique. Son frère Marcel est lui-même retenu dans son mutisme, et sa mère dans le deuil impossible du jeune frère dont le corps n'a pas été retrouvé ; mais elle se bat pour deux. Gregory GADEBOIS, dont on peut saluer le jeu remarquable d'un personnage sans texte (!) et Maryvonne SCHILTZ, poignante, forment un duo d'acteurs sans faille.
Face à Georges, deux femmes magnifiques tentent de reconstruire un avenir. Madeleine, une jeune veuve que fréquente Marcel, discrète, au passé moins sage qu'on imagine en la voyant, si on écoute bien. Elle semble encore capable de joie et de douceur, et bien plus forte et vibrante qu'elle parait aux yeux de Georges, qui ne voit en elle que la perspective d'une vie normale pour son frère. Tout cela contenu dans des scènes parfaites de retenue, où il n'y a rien à enlever ni à ajouter : tout est à sa place, comme Julie-Marie PARMENTIER, si juste. L'autre femme, Hélène, c'est Céline SALETTE, qui incarne la femme moderne, celle qui emporte tout avec une sensualité incroyable, jusque dans sa façon de signer les mots qui manquent à Marcel, mais finalement aussi à Georges. Elle ose rire et vivre avec passion, et refuse de se laisser engloutir par cette gangue mortelle du passé. Solaire, elle agit, prend sa vie en main sans fuir, même lorsqu'elle part. Et elle engage Georges à trouver lui aussi sa place dans ce monde à reconstruire...
N'allez pas voir ce film un paquet de bonbons en poche. Il ne faut pas en perdre une miette, les ellipses font de vous un spectateur attentif : un tiroir entrouvert sur une photo, un regard qui change, des mots inscrits sur un tableau, une tour Eiffel fétiche, tout prend sens...l'intrigue se révèle peu à peu, intense. Un moment d'émotion rare !