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    Bowling Saturne
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "Bowling Saturne" et de son tournage !

    Influences prestigieuses

    Bowling Saturne est un film noir. Patricia Mazuy avait pour référence principale Traquenard (1958) de Nicholas Ray, dans lequel l’avocat véreux interprété par Robert Taylor est un être bloqué, comme le personnage de policier au destin brillant tout tracé campé par Arieh Worthalter. Elle confie :

    "Quand on écrivait la dernière partie du film, avec la bande des vieux chasseurs qui a privatisé le bowling pour leur dîner annuel, j’ai repensé à un film de Nagisa Oshima de 1967 à propos des chansons paillardes au Japon. Dans le film d’Oshima, l’ancestralité venait des chants eux-mêmes."

    "Dans Bowling Saturne, l’ancestralité est incarnée par les images de chasse, mais le souvenir du film d’Oshima m’a donné confiance pour construire le rythme de la scène de ce dîner, pour les temps de suspense et d’adrénaline tandis qu’ils se repaissent de leurs images de chasse."

    3 villes pour une "ville-film"

    Patricia Mazuy a tourné successivement dans trois villes différentes : Caen, Deauville et Lisieux. La réalisatrice précise : "C’était la première fois que je voulais donner le sentiment d’une ville, même si on la voit très peu à l’écran. Il fallait la sentir, en mélangeant centre historique et nouveaux quartiers."

    "C’est à Caen qu’on a trouvé cet aspect hétéroclite. La nuit, la pluie, c’était bien de les affronter. Quant au bowling en sous-sol, filmé à Deauville pour la salle et à Lisieux pour le tunnel d’arrivée, il rend cette atmosphère urbaine que je cherchais."

    "C’est un simple souterrain comme on en trouve qu’en ville mais c’est aussi la porte qui descend vers l’enfer. La couleur rouge arrive et s’y tient. On peut appeler ça un hommage cinéphilique à Nicholas Ray ; on peut penser au sang, à la beauté du rouge dans un univers sombre..."

    Représentation de la violence

    L’un des principaux défis de mise en scène a été le traitement de la violence. Patricia Mazuy s'est dit que si elle optait pour un traitement de la violence hors-champ, elle ne traitait pas vraiment son sujet (à savoir comment naît la violence).

    "Je ne voulais pas être dans l’évitement. Je devais faire preuve de courage. En revanche, je pense que creuser « une seule » scène violente, le meurtre de Gloria, est suffisant. Pas la peine d’en rajouter", confie-t-elle.

    3 décors principaux

    Les décors du film sont très signifiants : le bowling est assimilé à l'antre de l’ogre ; l'appartement du père est un lieu hanté, avec des dessins et des tableaux de chasse terrifiants qui renvoient à un imaginaire postcolonial ; enfin, le commissariat est en désordre pour aller à l'encontre des décors de séries.

    Patricia Mazuy note : "Il fallait que le commissariat puisse exister en face du bowling, et qu’il raconte quelque chose de l’état d’esprit de Guillaume, qui vit et travaille dans l’inconfort et la culpabilité."

    Pas de naturalisme !

    Patricia Mazuy a opté pour une mise en scène stylisée pour deux raisons : par choix (chercher à affirmer le tragique, et une sorte d’expressionnisme) mais aussi parce qu'elle a tourné très vite et qu’il fallait prendre des décisions de mise en scène radicales. La cinéaste se rappelle :

    "Je ne voulais pas d’effets de manche dans les mouvements de caméra. C’est compliqué à faire : des plans carrés, sans être prétentieux, et en même temps ne pas renoncer à un geste esthétique. C’est finalement le mouvement du film, son désir d’être beau mais pas complaisant, qui a aiguillé toutes les décisions."

    "La rigueur entraîne parfois de l’angoisse, et on ne voulait pas lâcher la tension sourde. Avec Simon Beaufils, le chef opérateur, nous avons construit une collaboration très forte. Nous cherchions toujours à pousser le film plus loin, à rester tendu, à y croire même dans les situations baroques."

    Le choix Achille Reggiani

    Patricia Mazuy a vu Achille Reggiani sur scène quand il étudiait au TNS, dans des pièces montées par Simon Elie Galibert et Simon Restino. Elle se souvient : "J’avais vu sa capacité à risquer, sa puissance d’incarnation. On avait fait des essais pour le rôle d’Armand. Personne d’autre ne promettait un Armand potentiellement aussi fort, mélange de puissance, de terreur et de douceur. Il y avait un bémol : Achille est mon fils ! Lui confier le rôle, et l’accepter en ce qui le concerne, n’était pas une mince décision."

    Qui pour Guillaume ?

    Arieh Worthalter est arrivé sur le projet très peu de temps avant le début du tournage. Il a appliqué sa propre méthode pour entrer rapidement dans la peau du personnage de Guillaume. Patricia Mazuy se rappelle : "On a parlé des flics dans les films de Melville, des silences, de la dureté."

    "Arieh est très fin, prompt à se saisir des moments de réel. C’est un acteur qui a une capacité de transformation physique impressionnante, une plasticité du visage assez dingue ! Le destin qui avance se jouait aussi dans les métamorphoses de son visage."

    "Le film a beau être une tragédie antique située dans le monde moderne, il repose sur des situations très concrètes. Lui aussi est un homme seul. Son personnage pose, comme celui d’Armand, la question de la férocité : on en hérite ou alors on l’apprend."

    Qui pour la musique ?

    C'est le superviseur musical Thibault Deboaisne qui a fait découvrir à Patricia Mazuy le groupe wallon Wyatt E., composé de deux jeunes musiciens qui font du drone métal. Leur ambition a été de faire entendre la musique documentaire de Babylone au VIème siècle avant JC. La réalisatrice précise :

    "Ça me fait rire mais c’est une vraie expérience musicale. Leurs morceaux sont une matière, un voyage qui invite à la transe. Quand on les a contactés, ils ont tout de suite été conscients qu’on ne pouvait pas composer pour un film un morceau qui dure entre quinze et vingt minutes."

    "Mathilde Muyard, la monteuse, les a aiguillés avec énormément de finesse. Elle savait mieux que moi mettre des mots sur ce que nous cherchions. Je pense qu’ils ont réussi à faire une BO qui entre dans les états des personnages."

    "La musique de film était un genre nouveau pour Wyatt E., et ils l’ont abordée avec un enthousiasme sans faille. J’aime beaucoup le résultat qui ne se situe jamais « au-dessus » des personnages, notamment grâce à la délicatesse du mixage de Thomas Gauder et du montage de Mathilde."

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