Avec son premier long-métrage, James Hawes met en lumière un héros méconnu du grand public et porte à l'écran pour la première fois l'histoire de Nicholas Winton. Ce courtier londonien a organisé en 1939 la fuite vers Londres de 669 enfants tchécoslovaques, pour la plupart juifs, qui devaient être conduits vers des camps de concentration.
Un sauvetage d'autant plus fort que Winton n'en a rien dit pendant près de cinquante ans. C'est finalement sa femme qui découvrira dans leur grenier son journal dans lequel il avait tout consigné. Lors d'une émission de la BBC en 1988, son héroïsme sera dévoilé et salué au grand jour, alors que le public est composé des anciens enfants qu'il avait sauvés.
Nicholas Winton est mort en 2015 à l'âge de 106 ans.
Les producteurs Emile Sherman et Iain Canning ont découvert l’histoire de Nicholas Winton au moment de la création de leur structure, See-Saw Films il y a une quinzaine d’années, en tombant sur un extrait de l’émission That’s Life !. Pour eux, il était vital de rencontrer le principal intéressé, comme en témoigne Sherman : "On se disait qu’on avait beaucoup de chance d’avoir pu rencontrer Nicholas Winton avant sa disparition [il est décédé en 2015, NDLR]. C’était un être extraordinairement modeste et généreux qui estimait que le film ne devait en aucun cas le mettre en avant, mais montrer comment des gens parfaitement ordinaires peuvent réellement faire bouger les lignes".
Une vie se base sur le livre de Barbara Winton, fille de Nicholas, intitulé If It’s Not Impossible. Avec l'accord de l'autrice, la production a fait appel à la scénariste Lucinda Coxon pour adapter l'ouvrage. Celle-ci a collaboré avec Nick Drake. Ce dernier raconte : "J’étais ravi de participer à ce projet d’autant que mon père et mon grand-père sont tous deux des réfugiés tchèques. J’ai tout de suite été séduit par la perspective d’écrire une histoire qui évoque également mon parcours personnel". En collaborant avec Barbara Winton, les deux scénaristes ont eu accès aux archives et aux lettres de Nicholas.
L'équipe a décidé de raconter l'histoire sur deux époques distinctes, 1938 et 1988, au lieu d’adopter une démarche totalement linéaire. La scénariste Lucinda Coxon explique : "Même si les événements de 1938 sont particulièrement dramatiques, la question était celle de l’impact à long terme sur toutes les personnes concernées".
Le casting des deux acteurs interprétant Nicholas Winton à des âges différents n’a pas été tâche aisée. Il fallait d’abord un comédien dont l’envergure pouvait rendre crédible le parcours de Winton âgé. Barbara Winton, fille de Nicholas et autrice du livre que le film adapte, avait en tête Anthony Hopkins mais la production doutait pouvoir approcher un comédien de cette stature. Le producteur Iain Canning commente : "Mais, contre toute attente, il nous a dit oui et c’était féerique pour nous tous qu’un acteur aussi extraordinaire incarne un homme qui a été un humaniste et un exemple pour tous".
Une fois qu’Hopkins a donné son accord, la production a recherché un acteur capable de jouer Nicholas jeune et de rappeler l’allure du grand comédien. C'est Johnny Flynn, vu dans la série Lovesick et le thriller Jersey Affair, qui a été choisi.
L'équipe a d'abord tourné les scènes d'Anthony Hopkins, afin de laisser Flynn s'imprégner de ses gestes, de sa démarche et de son rythme. Ainsi, il s’est rendu sur le plateau lorsque Hopkins tournait au Royaume-Uni.
Pour son premier long métrage, James Hawes a accumulé les difficultés puisqu’il a tourné en seulement 33 jours, dans deux pays, avec deux équipes différentes ne parlant pas la même langue, et dans deux temporalités distinctes. Il était essentiel d’avoir la même direction artistique pour les deux équipes d’acteurs, quelle que soit l’époque, afin de préserver la fluidité du film tout entier.
Le directeur de la photographie Zac Nicholson détaille : "James avait vraiment une vision d’ensemble car c’est extrêmement difficile de raconter une histoire sur deux périodes différentes sans qu’il y ait de rupture de ton. Mais il a toujours été d’une grande clarté en évoquant les images et le son : il nous disait qu’il y aurait deux langues parlées dans le film. Il tenait à ce que le film soit en adéquation avec l’état émotionnel des personnages."
Il était fondamental pour l'équipe de tourner dans d’authentiques sites de Prague, y compris sur le quai de la gare même où les enfants ont dit au revoir à leurs familles avant de partir pour l’Angleterre. Au bout de ce même quai se trouve d'ailleurs une statue en bronze de Nicholas Winton, entouré de deux jeunes enfants et d’une valise, qui commémore l’engagement du Britannique.
Tourner dans une partie de la gare très animée de Prague alors que la circulation des trains fonctionnait normalement était un vrai défi. En effet, il s’agissait de dissimuler les éléments de décor contemporains afin d’éviter tout anachronisme, tandis que les techniciens, sous la houlette du 1er assistant réalisateur, pilotaient la mise en place du train à vapeur d’époque et tournaient les prises entre deux annonces par haut-parleur.
La production a travaillé avec des organisations comme le Holocaust Educational Trust (HET) et l’Association of Jewish Refugees (AJR) et a sollicité quatre "enfants de Nicky", ainsi que leurs proches, qui ont généreusement soutenu le projet grâce à leurs témoignages et à leur apparition à l’écran.
On appelle les enfants qui ont survécu grâce à l’opération de sauvetage de Prague "Kinder" ou "Enfants de Nicky". Le terme "Kindertransport" se réfère officiellement au programme mis en place par le Royaume Uni. L’opération de Prague n’en faisait pas partie, mais au fil du temps, le terme "Kindertransport" a désigné toute opération de sauvetage d’enfants menacés par les nazis au cours des mois qui précédaient la Seconde Guerre mondiale.
On estime que plus de 6000 personnes sont en vie aujourd’hui grâce à l’opération de sauvetage de Prague.
En 1988, l'émission de BBC That's Life ! offre aux enfants sauvés par Nicholas Winston l'occasion de le rencontrer et de lui faire part de leur reconnaissance. James Hawes, et plusieurs de ses collaborateurs, avaient un lien particulier avec That’s Life ! car ils avaient collaboré à l’émission au début de leur carrière. C’est ce qui a permis d’obtenir une reconstitution fidèle d’un studio de la BBC des années 1980 (la scène a été tournée aux studios de Pinewood, mais l’équipe a utilisé la célèbre entrée de l’ancien bâtiment de la BBC de Wood Lane pour l’arrivée de Nicholas Winton).
La production a réussi à retrouver la trace des "enfants de Nicky" et de leurs proches, puis leur a proposé de participer au tournage de l’émission. Le producteur Iain Canning témoigne : "Il nous semblait que c’était notre devoir, en signe d’hommage, d’inviter autant de familles que possible, et ils sont venus des quatre coins de la planète pour participer à cette journée de tournage. Ce jour-là, filmer la reconstitution de l’émission That’s Life ! en présence de tous ces gens a été un moment bouleversant. Tous les gens qui étaient sur le plateau étaient en larmes".
Ce n'est que le jour du tournage qu'Anthony Hopkins a appris que les figurants présents dans le public étaient les descendants des "enfants de Nicky" : "Quand tous les descendants sont arrivés, j’ai eu comme un coup au cœur. C’était difficile de retenir ses larmes et c’était en tout cas très émouvant".