Eugène Green s'intéresse depuis longtemps à la culture basque. Le réalisateur explique : "Jusque dans la seconde moitié du 20ème siècle, la culture orale était très importante parmi les paysans. La mythologie basque est très ancienne et très riche, et les Basques ont une littérature ancienne, mais jusqu’alors la mythologie paraissait peu dans les textes. Jose Miguel Barandiaran, un prêtre et anthropologue du Pays Basque sud, réfugié dans le nord, dans le village de Sare, a décidé de collectionner un maximum de ces récits. Et il a notamment écrit une version de ce mythe, que moi j’ai trouvé dans son Dictionnaire de mythologie basque."
Eugène Green voulait absolument faire le film en basque, dans le but d'aider les Basques à se réapproprier leur culture, malmenée au sud par le franquisme (la langue basque était totalement interdite pendant la dictature de Franco) et au nord par le jacobinisme (qui avait un programme d’extermination de toute langue autre que le français sur le territoire national). Il précise :
"La langue basque est divisée en dialectes, et dans les années 1960, au début de la sortie du franquisme, l’Académie Basque a œuvré à l’édification d’un basque unifié, qui serait la base d’un basque littéraire, compris par tous les Basques. Ils l’ont fondé sur le gipuzkoan. Et depuis, tous les écrivains écrivent en euskara batua, que nous avons utilisé dans le film."
Eugène Green avait déjà évoqué ce mythe dans son roman "Les Voix de la nuit". De même, au cours du tournage de Faire la parole, son documentaire sur la langue basque, le cinéaste l'a raconté aux jeunes qu'il filmait. Il se rappelle : "C’est un mythe de l’époque païenne, mais qui a été christianisé par la suite. Les jeunes étaient intéressés, mais comme ils étaient imprégnés de culture anticléricale, quelque chose les gênait. De mon côté, je trouve que le mythe prend un sens très profond grâce à ce mariage du panthéisme et du christianisme. Mais surtout, j’ai remarqué que même parmi les Basques qui ont appris la langue, cette culture ancestrale reste largement méconnue."
Les costumes ont été supervisés par Agnès Noden, avec qui Eugène Green travaille régulièrement. Elle a notamment créé la tenue de Basajaun, "l’abominable homme des neiges des Pyrénées", avec des poils de yak ! Les décors ont été créés par Astrid Tonnellier, qui avait travaillé sur Les Garçons sauvages, de Bertrand Mandico.
Eugène Green a rencontré Thierry Biscary (qui joue le Diable) au moment du tournage de Faire la parole, où on le voit faire de la musique (son activité principale). Il explique au sujet des autres acteurs : "J’ai demandé à Audrey Hoc de m’aider, car elle connaît beaucoup de monde au Pays basque. Elle connaissait déjà Pablo Lasa, qui joue le père supérieur. Pour les trois jeunes, je n’arrivais pas à m’enthousiasmer. Lukas Hiriart, qui joue Mikelats, s’est présenté, et j’ai vu en lui quelque chose qui m’intéressait. C’est lui qui a proposé que son cousin, Saia Hiriart, auditionne ; c’était une bonne idée, puisqu’il joue finalement Atarrabi."
"Pour le rôle du prêtre, j’ai choisi le père de Saia sans connaître leur lien de parenté, et l’évêque est interprété par le père de Lukas (Mikelats) ! Pour la petite fille, il se trouve que je la voyais exactement comme est la petite sœur de Saia, Eluxka. Presque toute la famille Hiriart se retrouve donc dans le film !"
Le générique de début a été composé par Joël Merah, que l’on voit dans le documentaire Faire la parole. Le générique de fin, tout comme le morceau un peu sauvage de txalaparta à la fête du Diable, ont été composés par Thierry Biscary, qui interprète le Diable. La chanson traditionnelle que l’on entend en concert dans le film est interprétée par Maddi Oihenart et le fandango a été composé par l’accordéoniste que l’on voit à l’écran, Antton Curutchet.
Le mythe de base n’était qu’un point de départ pour Eugène Green, qui lui a donné, dans son film, un sens très personnel. J’ai gardé les éléments récurrents dans toutes les versions : les deux frères, fils de Mari, sont confiés au Diable pour leur éducation. Il raconte :
"Mikelats veut rester, Atarrabi veut partir, mais quand il s’en va, le Diable garde son ombre. L’épisode de l’orage est aussi présent dans toutes les versions du mythe, et le fait qu’Atarrabi meure de sa propre volonté dans une église, pendant la consécration, ainsi que le jugement par ordalie, avec la présence des vautours, puis des colombes qui emportent le corps. Cette fin était un peu trop sulpicienne selon moi, j’ai simplifié la scène… A partir de ces éléments récurrents, j’ai brodé, et j’ai ajouté notamment les personnages d’Udana et de sa fille, Usoa."