Depuis « J'ai rencontré le Diable », Park Hoon-Jung tente bien que mal de sortir de l’ombre de Jee-Woon Kim. Le co-scénariste a pourtant eu le temps de brosser ses idées de « New World » à « V.I.P. », en hurlant haut et fort son attachement au film noir. Si l’exercice l’a effectivement enrichi, ce n’est pas dans l’immédiat qu’il déploiera tout son potentiel. Ce qui ne souligne pas pour autant une baisse de régime, bien que le réalisateur se laisse aisément tenter par l’évasion mentale au sens propre. Son récit peine alors à convaincre, dans une relecture infinie des cycles de la rédemption et de la trahison. Flirter avec l’originalité en ferait son principal défaut, mais c’est à l’opposé de nos attentes qu’on y découvrira l’organe respiratoire d’une œuvre qui ne parvient pas à tenir la cadence imposée, ni même le rythme des émotions qu’elle invite.
Dans un élan mélodramatique qui trouve rarement la précision espérée, ce sera sur l’île de Jeju que le titre s’exprimera de lui-même, mettant en avant une atmosphère pétrie dans une sublime photographie. Le cadre nous rappelle ce détachement soudain avec le décor urbain, trop étouffant, trop sombre une fois la nuit tombée et surtout trop endeuillé pour qu’un vétéran d’une mafia locale s’y attarde. Tae-Gu (Tae-goo Eom) n’est pas le héros de son propre récit, mais bien le martyr de ses propres victimes. Difficile pour lui de faire les bons choix, mais les quelques rares moments d’impulsions qu’on lui insuffle ne suffisent pas à caractériser son personnage mutilé. Si l’intérêt revient avec une jolie note d’intention, en entrant en collision avec l’arrogante Jae-Yeon (Jeon Yeo-bin), c’est bien parce que ces deux-là n’ont plus rien à perdre ou presque. Et c’est précisément dans cette approximation qu’il semble émouvoir et tenir quelque chose de plus confortable dans sa subtilité narrative. Si nous ne parvenons pas entièrement à tomber ivre de ce duo, c’est malheureusement, ou merveilleusement dû à l’irruption de la violence.
Souvent efficaces, mais rarement salvatrices, ces scènes contrastent nettement avec le coin en bord de mer. De la même manière, c’est autour de Jae-Yeon que l’on perd de la saveur, par manque de développement. Si l’on pouvait y trouver un reflet nostalgique à l’égard de son nouveau colocataire, dans un profond désir de renouer avec ce qui lui a été arraché, elle ne parviendrait pas à s’émanciper de la mort qui la poursuit. Une romance naît ainsi, jusqu’au fond un bol de soupe, où un assaisonnement de cynisme a tout pour plaire. De l’humour s’en dégage, accompagné d’une étreinte à l’état brut, où la mort et la vitalité se confondent. Hélas, ce versant peine à dialoguer avec le fil rouge du gangster, hanté par ses démons et rattrapé par sa destinée. Tout cela est lisible en long et en large, avec un bon coup d’avance pour le spectateur averti, comme pour ceux qui profiteront des longs moments de flottement que l’on nous impose. Par manque d’efficacité, le jeu des acteurs se vide de sens, même dans les moments les plus forts et une fois encore étirés, jusqu’à en devenir des morts-vivants, caricatures même de ce que le film souhaite illustrer, entre deux gros coups de violon et deux répliques qui tirent à balle réelle.
La vengeance superpose ainsi ses dilemmes, sans personnalité et ce n’est pas faute d’avoir essayé d’en avoir. Mais « Night In Paradise » (Nakwonui Bam) souffre de toutes ces éclaboussures d’hémoglobines, souvent maladroite dans son dernier acte. Il est question de jongler avec cette proximité avec l’au-delà, où un sentiment de délivrance est nuancé avec la cruauté d’un monde qui déchire les hommes. Alors que deux êtres commencent enfin à défier l’individualisme qui domine un jeu de pouvoir que l’on connaît que trop bien, c’est dans son exposé, macabrement inégal, qu’on aime explorer les interactions les plus simples et les moins graphiques. Ce n’est pas sans défaut que l’intrigue nous quitte, avec précipitation, comme si elle se retenait avant de justifier son dernier geste, à l’abri des regards, des soupirs et des jugements.