"To confess is to shatter a beautiful dream."
Dès le début, il faudra être catégorique, oublions l'un des plus grands chefs d'oeuvre du théâtre français pour recevoir ce film comme il se doit : ce n'est pas une adaptation de Cyrano de Bergerac mais une relecture de l'histoire en version inclusive, adaptation de la comédie musicale sur scène du même nom. Que les rageux·ses regardent autre chose, ils et elles vont saigner des yeux.
Ainsi, Cyrano n'est pas affublé d'un nez monstrueux mais d'une taille minime : Peter Dinklage prête effectivement ses traits au plus matamoresque des héros romantiques. Et il est magistral et convaincant. Hélas, la réalisation, tantôt inventive, tantôt ridicule et des chansons d'une mièvrerie et d'une platitude absolues gâchent ce qui aurait pu être une réinvention particulièrement audacieuse du mythe. L'oeuvre oscille ainsi constamment entre génie réel de la transposition et massacre esthétisant, à l'image des chorégraphies proposées, tour à tour magnifiques et grotesques.
Restent les décors, assez intemporels et la prestation cinq étoiles de Peter Dinklage, fabuleux vraiment, qui fait oublier la taille et le nez du héros pour se réapproprier sa profondeur éthique et son éclat ténébreux. On notera aussi la présence de Ben Mendelsohn, à peine reconnaissable en De Guiche enfariné, sinon par son zézaiement si particulier, cabotin à mort et jouissif, Haley Bennett en Roxanne crédible et mutine aux confins de l'érotisme, Bashir Salahuddin en Le Bret, chef des Cadets de Gascogne inquiet, et Kelvin Harrison Jr en Christian creux comme trop souvent le sont les Christian des adaptations précédentes... même si j'ai bien précisé que ce film n'était pas une adaptation de l'oeuvre de Rostand, si vous avez suivi !
Enfin, la comédie musicale, même si on peut comprendre la démarche qui consiste à remplacer les alexandrins français du XIXème siècle par des rimes anglaises contemporaines, vraiment, il ne fallait pas le faire : ça fait Disney et plutôt un très mauvais Disney. En revanche, les décors, même s'ils sont transposés dans une ville côtière du sud, et l'interprétation générale rehaussent le niveau. Surtout, ce film est à voir impérativement pour percevoir tout le talent de Peter Dinklage qui gonfle d'humanité et de prestance le personnage pourtant bourru de l'incomparable bretteur gascon. En résumé, 0,5 pour les chansons insupportables, 4,5 pour l'interprétation et l'originalité du propos.
Quand ça chante, bouchez-vous les oreilles.