On pouvait s’attendre à un nouveau Pixar sans grande ambition, prudemment intercalé entre ‘Soul’ et un éventuel imposant projet ultérieur. Sur le papier, ‘Luca’ ne semble effectivement pas promettre quoi que ce soit que Pixar n’aie pas déjà exploité par le passé et avec un brin de cynisme, on pourrait même n’y voir qu’une aimable variation de ‘En avant’, où des tritons remplaceraient les orques et la quête d’émancipation, celle des origines. Pourtant, c’est dans les détails que se niche le diable, ou plutôt le bon génie qui transforme ce qui avait tout pour être un “petit” Pixar en une des plus belles réussites de ces dernières années : déjà, parce qu’il se déroule sur la riviera italienne, que les références à la langue italienne, à la culture italienne, à la gastronomie italienne ou à la chanson italienne abondent et qu’après une pelletée d’univers imaginaires, le Mexique, New York et l’Asie (chez Disney, dans ce dernier cas de figure), se rapprocher de la Vieille Europe est rafraîchissant. Ensuite parce que si la présence de la griffe Pixar est indéniable, il y a un je-ne-sais-quoi dans ces couleurs chaudes et cette atmosphère méditerranéenne alanguie qui rappellent l’Europe fantasmée des productions Miyazaki. De plus, le réalisateur est lui-même italien, ce qui fait qu’il traite ce sujet avec une sensibilité différente, plus personnelle, plus nostalgique (ce sont ses propres souvenirs d’enfance qui constituent l’ossature du récit), en un mot, un sensibilité plus “européenne, en tout cas bien différente de celle des autres animateurs Pixar montés en grade dont on avait suivi les premiers efforts ces dernières années. Peut-être est-ce parce que ‘Luca’ est un film d’animation qui prend son temps, qu’il s’intéresse aux “petits riens” (encore une fois, comme chez Miyazaki) et qu’il ne recherche pas l’efficacité à n’importe quel prix...mais en dehors de ça, je serais bien en peine de déterminer précisément de quelle manière il parvient à marquer sa différence avec le reste du catalogue Pixar. De manière très paradoxale, Enrico Casarosa, qui n’avait à son actif que le magnifique court-métrage ‘La luna’, ne semble pour l’instant pas du tout rompu aux règles tacites de l’animation à l’américaine et ne cherche jamais à maximiser ses effets, que ce soit en terme d’humour, de rythme ou de séquences d’action, quitte en perdre en route les marmots ayant la capacité d’attention d’une mouche : on ne mesure pas la chance que Pixar laisse encore ses “jeunes diplômés” agir de la sorte car si ‘Luca’ et son histoire de course de vélo dans un petit village de pêcheur ne raconte finalement pas grand chose, il le fait avec une douceur et une poésie incroyables, même au regard des excellentes performances habituelles de Pixar en la matière.