Voilà un film bien étrange ! Le spectateur ne sait plus à quel genre il est confronté. Après la rafle du Vel d'Hiv, au printemps 1942, une conservatrice du musée de Louvres, visage ingrat, grande fumeuse, inapte au sourire, est chargée d'accompagner des oeuvres des musées nationaux au château de Chambord afin de les soustraire à la cupidité nazie. Elle en profite pour sauver six enfants juifs, âgés de 16 à 5 ans, que l'on enferme dans les caisses destinées aux oeuvres afin de les mettre en lieu sûr. Jusque là on est dans un film historique, même si tout semble singulièrement parachuté : comment cette femme, Rose, connaît-elle ces enfants ? Où les a-t-elle récupérés? Est-elle elle-même juive? D'ailleurs, ces enfants eux-mêmes semblent parachutés là et ne pas comprendre vraiment ce qui leur arrive. Ce faible contexte historique va basculer davantage encore au moment où les soldats de la Wehrmacht investissent Chambord pour y récupérer des oeuvres appartenant aux juifs spoliés. D'une manière surprenante, le chef de cette compagnie militaire est une femme des plus étranges. Le film tourne alors au conte plus ou moins féerique, à une robinsonnade : cachés dans une cabane perdue au milieu de la forêt grâce aux bons soins de l'enfant de choeur du curé qui aide Rose (là encore, le personnage paraît détaché de tout ancrage historique), ils vont survivre quelques jours dans une ambiance à la fois étrangement bucolique (ils font ami-ami avec des cerfs, des biches, ils contemplent une famille de marcassins en train de jouer) et curieusement cruelle. On évolue entre le conte onirique et le film à résonance horrifique. La scène finale, dans laquelle Rose,, au mépris de toute l'éducation puritaine à laquelle son physique ingrat l'a contrainte (superbe Camille Cottin dans un étonnant rôle de composition), détourne l'attention des Allemands, cependant que, à quelques mètres dans leur dos, sans qu'ils voient quoi que ce soit (les nazis étaient-ils si naïfs ?), les enfants franchissent la rivière qui fait à cet endroit ligne de démarcation. Cette scène, qui devrait être émouvante, puisqu'il s'agit d'assurer la vie sauve à cinq enfants (ils ne sont plus que cinq au bout de cette bizarre aventure, l'une est morte, noyée dans un marécage); ne réussit qu'à être ridicule. On ne croit d'ailleurs à rien dans ce film. Pour sacrifier aux dieux de notre temps, un idylle très chaste s'ébauche entre l'enfant de choeur et le plus âgé des garçons juifs. Mais l'enfant de choeur semble donner dans la bisexualité, car il paraît attiré aussi par la plus grande des filles. Mais ce n'est qu'un clin d'oeil. Bref on n'y comprend pas grand-chose et tout cela passe, comme un rêve. D'ailleurs le spectateur sort de la salle en se demandant quel film il a vu et s'il est bien allé au cinéma..