Rabia a été présenté en compétition au Festival du Film Francophone d’Angoulême en août 2024. Il a également reçu le "Prix du public long-métrage" lors du dernier festival War on Screen de Châlons-en-Champagne, ce mois d’octobre 2024. Enfin, il a remporté le prix d’Ornano-Valenti de Deauville, qui récompense un premier film français.
il s’agit du premier long-métrage de Mareike Engelhardt, qui a été auparavant l'assistante réalisatrice de Katell Quillévéré, Roman Polanski ou encore Volker Schlöndorff. C’est lors de l’"Atelier scénario" de la Fémis qu’elle développe le projet de Rabia.
L’idée du film est apparue à la réalisatrice dans un McDo de Saint-Etienne, en mars 2016. Elle y avait rendez-vous avec Sonia, une jeune femme tout juste rentrée de Syrie après avoir passé plusieurs mois au sein de l’État Islamique. En écoutant son histoire, ainsi que d’autres récits de filles au Tribunal de Paris, elle a tissé les prémices de Rabia, comme elle le dit :
"Sonia avait 17 ans quand elle s’est radicalisée, le même âge que mes grands-parents quand ils ont rejoint les rangs de la jeunesse hitlérienne puis de la SS, aveuglés par une idéologie fondée sur des systèmes de pensées similaires à ceux des organisations terroristes comme l’État Islamique […] Cette ombre familiale me poursuit depuis et mon questionnement sur la fascination du mal est devenu le fil rouge de mon travail."
Rabia sonde l’histoire vraie des "madafas", ces maisons qui enferment les femmes célibataires ou veuves dans l’attente d’être mariées à un combattant de Daech. Un dispositif effroyable qui rappelle à Mareike Engelhardt, d’origines allemandes, les Lebensborn, ces pouponnières nazies qui servaient à la survie de la "race aryenne".
Le personnage de Madame, interprété par Lubna Azabal, est inspiré par la Marocaine Fatiha Mejjati (aussi appelé Oum Adam), qui a dirigé d'une main de fer l'une des plus grandes madafas de l'État Islamique, en 2015.
En amont du tournage, Mareike Engelhardt a consulté Céline Martelet et Edith Bouvier, deux expertes françaises du djihadisme féminin, qui lui ont fait rencontré plusieurs filles ayant vécu dans les "madafas" d’Oum Adam. Avec son co-scénariste Samuel Doux, elle a toutefois édulcoré certains témoignages, jugés trop "durs" pour son film. Ce que la réalisatrice a voulu surtout montrer, c’est l’ambiguïté de ces femmes et surtout combien elles pouvaient être aussi coupables que les hommes en partance pour le Djihad.
Une ex-membre de l’État Islamique était présente chaque jour en plateau pour expliquer aux figurantes ce qu’elle avait vécu là-bas, afin de leur octroyer une force d’interprétation supplémentaire.
Dès le début de l’écriture, Mareike Engelhardt a imaginé Lubna Azabal dans le rôle de l’impitoyable Madame, qu’elle admire depuis le film Incendies de Denis Villeneuve (2010). En outre, l’actrice s’intéressait au parcours d’Oum Adam bien avant la préparation de Rabia.
Personne n’a jamais photographié l’intérieur d’une "madafa". Dès lors, Mareike Engelhardt et son décorateur Dan Bevan ont fourni un grand travail pour imaginer l’architecture de cette "usine à procréation", selon les propos de la cinéaste. Elle a alors créé un contraste entre le confort des étages supérieurs qui abritent les appartements de Madame, et les sous-sols angoissants, remplis d’esclaves yézidies. De même, les couleurs dans les décors et les costumes s’assombrissent à mesure de "l’évolution de Rabia, qui devient de plus en plus comme Madame", d’après la cinéaste.
La question du hors-champ est centrale dans Rabia, puisque hormis dans trois scènes, Mareike Engelhardt n’a jamais voulu montrer l’horreur et la violence de manière frontale. Une esthétique qui lui permet à la fois d’éviter tout voyeurisme, mais également de symboliser l’évolution de Rabia qui, dans un premier temps, refuse de voir l’horreur avant d’y être confrontée à la fin du film.
Il a fallu huit ans à Mareike Engelhardt pour mener à bien son projet de Rabia.
Rabia a été tourné fin 2022 dans les anciens bâtiments de "France Tabac", devenus il y a peu des studios de cinéma à Sarlat, dans le Périgord.