Madres paralelas
Le nouvel Almodóvar
Je vous présente mon petit commentaire critique. Pour info, je tiens une page Facebook intitulée journaliste improvisée, si vous souhaitez y faire un tour n'hésitez pas ;)
Mères à quelques minutes près, deux femmes tombées enceintes par accident, Ana et Janis, se rencontrent à l’hôpital puis se lient. Il s’agit bien d’un Almodovar : des femmes avec des profils singuliers creusés, des histoires de vie, ici de mères et de maternité, dans de beaux recoins de l’Espagne. J'avais l'impression en lisant le synopsis d'avoir compris quel en allait être le thème central et j’attendais avec hâte la peinture de deux histoires touchantes.
Et pourtant, je me suis trouvée devant deux intrigues croisées : Almodovar, à travers sa protagoniste Janis interprétée par Pénélope Cruz apporte une connotation sociale et politique explicite au long métrage. Arrière-petite-fille de victimes de la guerre civile, celle-ci se bat pour l’excavation des fosses communes de son village afin de savoir si ses proches qui ont combattu sous Franco y sont bien enterrés. Almodovar explore alors à la fois l’épreuve d’être mère et celle de ne pas avoir pu enterrer décemment des proches assassinés pendant la guerre, mêlant histoire individuelle et histoire collective. Le rouge de l'affiche nous évoque l'amour mais aussi le sang et la souffrance.
Cependant, abordées séparément au cours du film, ces deux intrigues ne sont en aucun cas reliées entre elles. Probablement, en créant des liens entre Ana, Janis et les proches de ces mères, Almodovar a souhaité rendre l’histoire des fosses d’autant plus frappante que l’on s’est attaché à un ensemble de personnages qui mène puis achève ce combat ensemble. Comme on le voit sur l'affiche les deux femmes sont presque fondues entre elles. Malheureusement, la succession de multiples évènements font du scénario quelque chose de plus en plus confus. Nous n’avons pas le temps d'en comprendre profondément les enjeux car d’autres surviennent sans que n’aient été explorés véritablement les précédents : la mort d’un nouveau-né, une relation parents-fille conflictuelle, une relation homosexuelle insoupçonnée, des tests ADN révélateurs, des débats très actuels sur les fosses, des retrouvailles, un pardon, une nouvelle grossesse.
Peut-être qu’Almodovar a tenté de toucher un maximum de spectateurs en créant des histoires complexes, cohérentes à son esprit puisqu’il dit très précisément avoir voulu parler des descendants et des ascendants ainsi que de l’imperfection de la mère. Mais malheureusement, la presque simultanéité voire la cohabitation de tous ces événements est responsable d’une perte en crédibilité : on aurait aimé avoir moins mais plus approfondi comme dans Volver ou Julieta où les relations sont pleinement explorées. Car, les faits rapidement digérés suscitent une sorte de trouble au visionnage du film. Ici sur un fond plus grave, le nombre important de péripéties renvoie presque au scénario d’une comédie française qui multiplie les rebondissements insoupçonnés pour finir sur une résolution marquée par les retrouvailles, le pardon puis le nouveau départ. On retrouve des personnages unis malgré des aventures peu agréables qui finissent par trouver presque naturellement une place au sein de toutes ces relations croisées, alignés à l'image les uns à côté des autres derrière une cause commune. Je crois voir ce qu’Almodovar a voulu faire : unir l’Espagne derrière ce qui est “une question urgente” (propos pour LCI) tout en introduisant des épreuves de vie qui parlent comme la maternité ou l’homosexualité. Cela aurait pu être fait, d’après moi, plus finement. Cet Almodovar dit des choses, mais “par blocs”.
Malgré tout, on se laisse séduire par ses muses Penelope Cruz, Julieta Serrano et Rossy de Palma, par le jeu de la charismatique Milena Smit et évidemment par les beaux paysages d’Espagne. Tout de même, on pénètre dans le récit et on parvient à ressortir de la salle avec des questionnements : c’est donc signe que le nouvel Almodovar est quand même très loin d’être un échec.