Deux femmes, Janis (Penélope Cruz) et Ana (Milena Smit), se rencontrent à la maternité et vont devenir « mères parallèles ». Elles sont l’une et l’autre tombées enceintes par accident, la première, photographe professionnelle dans la quarantaine, après avoir eu une liaison avec un homme marié qui va l’aider à exhumer les restes de son arrière-grand-père exécuté aux premières heures de la Guerre d’Espagne, la seconde, encore mineure, victime d’un viol en réunion. Janis et Ana accouchent de deux fillettes. Elle se séparent à la sortie de la maternité en se promettant de se revoir. Le destin les réunira plus vite que prévu.
J’ai vu avec une dizaine de jours de retard le dernier film de Pedro Almodóvar, sorti depuis le 1er décembre. La faute aux critiques très mitigées que j’en entendais ici ou là – et aussi à la richesse d’une programmation incroyablement riche ("West Side Story", "Les Choses humaines", "La Fièvre de Petrov"….)
J’ai trouvé ces critiques bien sévères. Elles comparaient souvent "Madres Paralelas" aux précédents films de Almodóvar qu’elles mettaient sur un piédestal : Douleur et gloire (2019), Julieta (2016). Ces deux films-là m’avaient justement, au contraire de leur accueil enthousiaste, laissé de marbre : deux étoiles à "Douleur et Gloire", une seule à "Julieta". Aussi par comparaison, "Madres Paralelas" m’a-t-il beaucoup plus convaincu.
Si l’on arrête un instant ce petit jeu comparatiste et qu’on essaie d’apprécier isolément "Madres Paralelas", quels sont ses qualités et ses défauts ? Au premier des rangs des qualités, je placerais l’incroyable maîtrise de la réalisation. Madres Paralelas déroule, sans se presser, une histoire simple centrée sur un personnage principal confrontée à un triple événement : une maternité tardive, une révélation dévastatrice et la mémoire d’un passé qui ne passe pas. J’ai pensé à Eastwood et à son classicisme tranquille, réalisant que Almodóvar , l’enfant terrible de la movida espagnole avait dépassé les soixante-dix ans. À leur âge, à leur niveau de notoriété, les deux maestros n’ont plus rien à prouver et n’encombrent plus leur cinéma d’effets compliqués, de flashbacks, de flashforwards, de twists…. Et c’est très bien ainsi.
Autre qualité toujours aussi enthousiasmante à chaque film de Almodovar : ses intérieurs follement joyeux et colorés, même s’ils ressemblent plus à des décors de revues de mode qu’à de vrais appartement où on vit, qui rendent ses films reconnaissables au premier coup d’oeil.
Le principal défaut du film, à mes yeux, est le mélange pas très réussi entre les deux histoires qu’il tisse. D’un côté, cette histoire de femmes qui rappelle tant d’autres qu’Almodovar nous a déjà racontées avec le talent qu’on sait. De l’autre, dans un registre politique dont il est moins familier, celle d’un pays confronté à sa douloureuse histoire.
Peut-être "Madres Paralelas" aurait-il pu se contenter de traiter seulement ce premier thème. Le scénario en était suffisamment riche, avec ses rebondissements inattendus, et le jeu des deux actrices suffisamment bien dirigées pour tenir la salle en haleine.
Peut-être le second sujet, d’une toute autre gravité et d’une toute autre ambition, aurait-il mérité à lui seul un seul film. Ce sera peut-être le prochain. À soixante-douze ans à peine, Almodóvar fait figure de jeune homme à côté d’Eastwood.