https://leschroniquesdecliffhanger.com/2022/12/21/une-jeune-fille-qui-va-bien-critique/
A la réalisation d’Une jeune fille qui va bien, c’est Sandrine Kiberlain avec un parti-pris bien à elle, et même assez unique en son genre, parler de la guerre sans jamais la montrer, mais avec le prisme de cette jeune fille, qui justement ne veut pas voir cette atrocité, et qui se concentre sur toute autre chose, les premiers émois, l’élan de vie des passions, des amours, et les sensations d’une entrée dans la vie pour une jeune fille. Sauf qu’on est en 1942 et qu’elle est juive. Le monstre est là, tapis dans l’ombre. C’est selon la réalisatrice, l’intime « dans la vie qui bascule ». Pour autant, le postulat à la fois intelligent et romantique de la cinéaste est puissamment poétique, il sublime l’art, le met au-dessus de tout, même du pire de l’histoire de l’humanité. Quel puissant message, la générosité face à l’ignominie.
Elle est si belle dans sa liberté, légèreté et insouciance Irène (Rebecca Marder), elle est intemporelle. C’est la passion avant tout, la terre peut s’écrouler, et c’est le cas, elle jouera. Toute la question du film est de savoir à quel moment, l’oppresseur, le monstre viendra casser les jouets, comme on brise en deux les baguettes du chef d’orchestre dans le fabuleux Le concert (2009) de Radu Mihaileanu. La dichotomie au bas mot, est bouleversante entre le feu des passions multiples qui animent Irène et a montée horrifique politique nazie. Le contraste est terrible, glaçant.
Et puis, dans la mise en scène, c’est l’authentique sublimation d’une actrice par sa réalisatrice. Sandrine aime sa Rebecca, elle sait le travail d’une comédienne. La communion est totale entre la caméra et sa muse. Les plans, l’accompagnement de ses mouvements, c’est toute la mise en images qui permet de magnifier le personnage d’Irène, en centralité permanente. C’est un engagement caméra au poing, avec de surcroît des plans et cadres audacieux, c’est ici une double éclosion, celle d’une cinéaste et d’une actrice.
La fin est un frisson… Sandrine Kiberlain fait ici une irruption folle de talent dans tout de suite la cour des grands. Une jeune fille qui va bien n’est pas un énième film du genre, car il porte en lui une élégance, une fraicheur, une grâce, un espoir. Avec autant de talent, c’est le cinéma français qui va bien.