Un professeur écrivain en mal d’inspiration s’approprie le roman écrit par une de ses étudiantes.
A partir d‘un texte de l’espagnol Jose Angel Manas (je suis un écrivain frustré), Bouchitey construit un film centré sur le rapport entre Serge, qu’il joue lui-même, et Jeanne l’étudiante (Laetitia Chardonnet). Un film nerveux, fait de séquences courtes, d’ellipses hardies et de non dit, soutenu par une musique étrange naviguant entre dissonances et bruitage (Steve Reich). Un film fort de par les caractères des personnages et de par leurs rapports. Un Serge à la fois odieux et attachant, une Jeanne énigmatique mais sans faiblesse, entre eux des liens de domination ambigus, changeants, délétères et touchants à la fois. Ce jeu de retournements et d’ambivalences, marqué par le silence, se double d’une intéressante symbolique des titres d’ouvrages, des citations et des mots. Le scénario captive par le fait que la déraison des actes du professeur est peinte comme parfaitement logique, qu’elle l’entraîne dans une voie sans issue, et que le spectateur tremble à l’idée que la seule solution pour en sortir est une solution extrême.
On peut regretter que Bouchitey, plus ou moins délibérément, fasse l’impasse sur la vraisemblance du contexte de l’action, ne se préoccupant pas des réactions que les proches des héros devraient normalement avoir. On peut aussi ne pas bien discerner par moment ce qui appartient au rêve et ce qui est réel. Mais ce sont là des critiques mineures pour un œuvre originale, qui marque fortement l’esprit, et montre le talent de l’auteur, aussi bien comme acteur que comme réalisateur.