La Croisade : les secrets du tournage

Le film a fait partie de la section éphémère "Le cinéma pour le climat" du Festival de Cannes 2021.

C’est le scénariste Jean-Claude Carrière qui a eu l’idée d’enfants qui se mobilisent pour l’écologie et la sauvegarde de l’environnement. Mais Louis Garrel n’était pas convaincu quand il lui a présenté le projet : « Je trouvais que c’était une idée d’adulte qu’on mettait dans la tête d’enfants, ça me gênait, ça ne me semblait pas juste. J’en parle avec des amis, je leur lis la scène, et tous trouvaient comme moi que ça sonnait faux. Jean-Claude en a été un peu vexé, parce qu’il était sûr de lui ». Trois mois plus tard, l’actualité donnait raison à Carrière : Greta Thunberg faisait la une des médias avec une grève de la faim pour sensibiliser les gens à la cause environnementale. Le réalisateur se souvient : « Il m’a conseillé de me dépêcher de faire ce film faute de quoi j’aurais l’air de courir après l’événement. Et c’est en effet ce qui est en train de se passer ».

Louis Garrel revendique le fait de ne pas avoir signé un film militant radical : « Quand je commence le film, ce n’est pas du tout par militantisme, au contraire, je regarde ces enfants parce qu’ils me sont étrangers. Ma position de metteur en scène et mon rôle de père dans le film m’aident à avoir du recul. Cette position critique me permet de faire le film. Je n’ai pas fait ce film en disant au spectateur "il faut absolument écouter ces gentils enfants".» Afin de mieux partager son propos, le réalisateur a décidé de miser sur l’humour : « Le problème avec la plupart des films militants, c’est qu’ils ne laissent aucune place au spectateur. Ils donnent des réponses toutes faites, ils définissent le Bien et le Mal et le spectateur n’a plus qu’à suivre. Avec un traitement humoristique, le spectateur a la place. Le principe de la comédie est de pousser la réalité un peu plus loin. »

À l’instar des enfants de La Croisade, d’autres avaient imaginé déplacer une mer dans un désert. Ainsi, en 1890, Ferdinand de Lesseps (qui a construit le canal de Suez) est allé au Sénat pour proposer de faire entrer la Méditerranée dans le désert algérien pour créer une mer intérieure. Ce projet avait deux buts : refroidir le climat et créer des terres cultivables. Mais faute de techniques et de moyens, le projet était tombé à l’eau. Jules Verne a écrit un livre inspiré de ce projet qui s’intitule L’Invasion de la mer. Il y a également l’histoire de la Salton Sea en Californie, où un barrage s’était effondré et l’eau s’était écoulée dans le désert, créant naturellement une mer intérieure. Louis Garrel souligne : « Il y a des géographes, des géologues, des ingénieurs, qui ont des idées de ce type, a priori farfelues au départ mais qui sont peut-être géniales et faisables pour l’écologie globale. »

La Croisade a été écrit et filmé avant le début de l’épidémie de Covid-19, jusqu'à ce que le tournage soit interrompu par le confinement, lors de la mise en boîte de la séquence de pollution aux particules fines qui rappelle justement la pandémie. Louis Garrel remarque : « Il y a un truc avec ce film : on commence à écrire, il n’y a pas les enfants, puis les enfants arrivent sur le devant avec Greta Thunberg. On écrit l’alerte aux particules et bing, le Covid survient. Du coup, je parie que déplacer de l’eau en Afrique sera possible. »

Contrairement à ses précédentes réalisations, Louis Garrel a tourné pour la première fois en numérique, qui plus est avec une caméra portée à l’épaule et non sur pied, afin de coller au plus près des personnages et de capturer les situations sur le vif : « La Croisade, c’est "maintenant, tout de suite, il se passe ça". Tout est filmé au présent. » Avec ce processus, il lui a fallu beaucoup répéter en amont avec les acteurs. L’angle de la caméra était fixé selon ce qui était déjà mis en place avec les comédiens et non l’inverse : « Je n’ai pas mis en scène avec la caméra. »

À l’instar de ses deux précédents films, Les Deux Amis et L’Homme fidèle, Louis Garrel est devant et derrière la caméra. Il retrouve Joseph Engel et Laetitia Casta, qu’il avait dirigés dans L’Homme fidèle. Celle-ci est sa compagne à la ville : « Je fais des films avec les gens autour de moi parce qu’ils sont ok pour répéter et que j’aime bien répéter tout le temps. C’est plus simple avec des proches. Laetitia, c’est une évidence, elle est actrice, talentueuse, on vit ensemble, donc on peut travailler à la maison. Joseph est le fils d’amis, donc facile à joindre pour les répètes. Le couple d’amis sont de vrais amis dans la vie. »