Le projet est né en 2008, lorsque le producteur de l'époque, Christian Granderath, a donné à Andreas Dresen le livre de Murat Kurnaz, Five Years of My Life: An Innocent Man in Guantanamo. Le réalisateur l'a lu d'une traite et a été bouleversé. Il raconte :
"Le livre touchait directement mon sens de la justice. Je ne pouvais canaliser ma colère et simplement croire que quelque chose comme ça était possible, se produisait à notre époque. Je suis allé à Brême et j'y ai rencontré Murat qui m'a raconté son histoire."
"C'était extrêmement impressionnant de l'entendre parler de ces années à Guantanamo avec une douceur, sans aucun désir de vengeance. Le projet de départ était donc de raconter l'histoire de Murat, cette situation presque kafkaïenne dans laquelle il s'est retrouvé emprisonné, sans pouvoir communiquer."
"Mais je n'y suis pas parvenu. Sur le plan cinématographique, il n'y avait pas cette lueur d'espoir propre aux drames carcéraux classiques. On s'est donc enlisés dans le désespoir."
Andreas Dresen a passé beaucoup de temps à chercher l'interprète de Rabiye. Elle devait partager des traits avec la vraie et son origine germano-turque et, surtout, devait être capable de porter le film avec énergie. Le metteur en scène précise :
"Une certaine naïveté était importante, car c'est ce qui fait la beauté et la force de ce personnage. Rabiye avait besoin d'innocence pour entreprendre son combat en premier lieu. Meltem Kaptan est une comédienne de stand-up qui n'avait jamais joué de rôle principal dans un film. Elle m'a émue dès les premiers essais. Bien qu'elle n'ait pas d'enfants elle-même, vous aimeriez qu'elle soit votre mère, une fonceuse, une lionne !"
Rabiye Kurnaz contre George W. Bush a été présenté à la Berlinale 2022 où il a remporté l'Ours d'argent du meilleur scénario (Laila Stieler) et l'Ours d'argent de la meilleure interprétation (Meltem Kaptan).
Andreas Dresen est juge constitutionnel dans le Brandebourg. Il explique au sujet du droit et de la jurisprudence à travers son activité sur l'affaire Kurnaz : "Je pense que la Cour suprême des États-Unis a fait une très bonne impression. C'est l'un des aspects les plus optimistes de cette histoire : l'état de droit reste l'état de droit ; il ne peut pas être éradiqué comme ça. La séparation des pouvoirs a donc bien un effet.
"Est-ce qu'en fin de compte, il peut toujours agir et esquiver les feintes du monde politique, c'est une autre affaire. Certes, mon travail à la cour opère à un niveau complètement différent, mais même ici, je suis témoin de la façon dont les politiciens ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent. Il y a toujours une autorité qui vérifie si l'action politique est conforme à la Constitution ou non. Je trouve cela très réconfortant."
Andreas Dresen a rencontré Rabiye le temps d'un dîner et connaissait déjà l'avocat Bernhard Docke depuis ses rencontres avec Murat. Le metteur en scène confie : "L'idée qu'il serait peut-être possible de mieux raconter l'histoire du point de vue de ces deux personnes m'est venue dès que je suis rentré chez moi."
La scénariste Laila Stieler ajoute : "La première rencontre avec Rabiye avait déjà été un coup de foudre. Elle est non seulement une personne formidable, mais aussi un cadeau pour moi en tant que scénariste. Inspirée par sa personnalité, l'idée a également émergé de lier l'arrière-plan politique de son histoire à des dispositifs comiques."
"En tant que mère d'un fils qui commençait à devenir homme, je pouvais m'imaginer les peurs qui surgissent lorsque les enfants commencent à suivre leur propre chemin. J'ai tout de suite aimé ce côté universel."
Le fils aîné de Rabiye a été libéré de Guantanamo en août 2006. Laila Stieler explique au sujet de ce long intervalle avec la sortie du film : "Il y aurait certainement eu des obstacles à le faire plus tôt. Rabiye a été gravement malade pendant de nombreuses années. Il aurait été plus difficile de lui parler d'un film. Nous aurions certainement mené nos entretiens et nos recherches différemment, plus difficilement, ce qui nous aurait sans doute rendu insatisfaits."
"Ce qui s'est passé entre 2001 et 2006 n'a pas seulement traumatisé Murat et Rabiye mais toute la famille Kurnaz. Le père et les frères de Murat ont également été aspirés dans la tempête. Ils ont résisté à la pression, mais ils ont été laissés de côté dans cette histoire."