Cinq ans après « Office », le scénariste du vaillant « The Chaser » et du trépidant « The Murderer », Hong Won-chan entame sa seconde réalisation avec grande parenthèse formelle. Le film noir s’accroche à sa moelle, mais il sera difficile d’en contempler toute l’énergie, du moins dans sa forme la plus pertinente. En pliant son scénario dans une courte exposition, l’apprenti cinéaste est venu s’exercer à l’art du cadrage et de la mise en scène, chose qui se voit et qui aura nerveusement réussi son divertissement. Course-poursuites et représailles font la paire dans un milieu violent et sanglant, mais comment pourrait-on un peu mieux décrire cette réalité ? Avec un peu moins de superficialité, sans doute. La faute à une narration qui ne parvient jamais à homogénéiser son aspect thriller et son mashup de blockbusters d’action référencés.
Il s’agit d’un décalage où les impasses se multiplieront, simplement par la force des ambitions. La trajectoire de In-nam (Hwang Jung-min) en témoigne. L’ex-vétéran de l’état, reconverti en tueur à gages, ne gagne pas en caractérisation dans une activité qu’il domine. C’est au contraire lorsqu’il manœuvre pour enfin se repentir qu’on déterrera un peu d’humanité. Les hommes brisés seront nombreux, mais certains ne feront partie que du décor. Ce ne sont pas les émotions qui seront mises en avant, mais bien l’adrénaline et la sueur des bastons, avec une bonne générosité sur les grenades. Non pas qu’il ne manque pas d’enjeux afin de nous tirer quelques larmes ou pour nous bousculer en-dehors de notre zone de confort, mais ils interviennent beaucoup trop tard pour que l’on s’investisse pleinement dans la détresse de l’anti-héros. C’est comme si deux films s’entrechoquent constamment, où les compromis semblent constitués la seule loi d’un récit qui n’a plus qu’à renouveler ses mèches pour la castagne suivante. Et ce n’est pas pour déplaire, bien au contraire
La photographie apprivoise parfaitement l’environnement chaud et ludique du Japon à la Thaïlande, en passant bien sûr par le pays du matin calme. C’est ce qui sauvera probablement divers affrontements, où l’efficacité est à l’image de la chorégraphie et du montage, elle boite. Cette douce frénésie garantit toutefois des rencontres intéressantes, avec une grande variété de plans en intérieur comme en extérieurs. Pour nous faire virevolter, le réalisateur aura su trouver les bons ingrédients. Ray (Lee Jung-jae), le psychopathe de service détonne et c’est également un point rassurant d’observer une partition aussi crue, mais qui manque de punch avec son gibier, In-nam. Il existe encore une distance établie par la mission de ce dernier, qui enquête sur une disparition, loin d’être anecdotique pour une nation, dont l’identité est compromise. De ce fait, le chasseur ne fait que de courtes apparitions, où il ne peut réellement s’affirmer qu’en dézinguant des sbires, dignes d’un James Bond en convalescence.
Quand bien même la tendance du film de vengeance commence peu à peu à s’essouffler, « Deliver Us From Evil » reste sympathique, sans pour autant déplaire aux premiers venus pour un chaos jubilatoire. Dommage cependant de laisser le personnage transgenre, qu’est Yoo-Yi (Park Jung-min), en retrait. Au lieu de traiter le sujet avec modernité, le cinéaste n’en fait rien d’autre qu’un cliché à épingler sur le dos d’une carte postale. Pourtant, il y a une envie de bien faire et une envie de rendre hommage à des codes, qui continuent d’entretenir l’espoir de repartir à zéro ou d’achever ce qu’il reste encore à raconter.