Nageur de compétition de haut niveau, Pascal Plante, âgé alors de 19 ans, n’avait finalement pas réussi à intégrer l’équipe du Canada pour les Jeux Olympiques de Pékin, en 2008. Ayant abandonné la compétition, sa passion pour le cinéma l’a conduit à étudier à l’école de cinéma Mel-Hoppenhiem de l’Université de Concordia. Devenu spécialiste du son, il a également commencé à réaliser des court métrages dès 2011. Réalisé en 2017, "Les faux tatouages", son premier long métrage n’est jamais sorti dans notre pays. "Nadia, Butterfly" est son deuxième long métrage et il a reçu le label Cannes 2020. A noter que Pascal Plante se définit lui-même comme étant un cinéphile devenu cinéaste de fiction au regard de documentariste.
On vous l’a bien caché : les Jeux Olympiques 2020 se sont déroulés tout à fait normalement à Tokyo, à la date prévue. Même que l’équipe du Canada du relais 4 fois 100 mètres 4 nages féminin y a obtenu une médaille de bronze très disputée. Cette course, on la vit entièrement dans "Nadia, Butterfly", dans des plans séquence magnifiques, de façon totalement centrée sur Nadia Beaudry, la nageuse de papillon, se préparant psychologiquement sur la plage de départ lors des deux premiers relais, dos et brasse, dont on ne voit rien, suivie intégralement dans un long plan séquence lors de son 100 papillon et encourageant avec ses équipières Marie-Pierre, sa meilleure amie, la nageuse du 100 mètres libre lors du dernier relais. Nadia a 23 ans, elle a décidé d’arrêter la compétition et de reprendre ses études de médecine et, la veille, elle a raté sa course lors de la finale du 1OO papillon féminin, ne finissant que 4ème. Pour elle, ce relais est sa dernière chance d’accrocher ce qui est le rêve de tout.e athlète, une médaille aux jeux Olympiques.
Désirant depuis longtemps faire un film qui montrerait l’envers du décor olympique, qui s’écarterait de ce que l’on voit à la télévision tous les 4 ans, Pascal Plante était conscient qu’un tel film nécessitait un budget important, un budget impossible à obtenir pour un premier long métrage. Le succès dans les festivals de Les faux tatouages, réalisé avec peu de moyens, lui a permis d’obtenir ce budget. Le tournage de "Nadia, Butterfly" s’est effectué en 2019 avec l’objectif de sortir le film durant les Jeux Olympiques de 2020 : 16 jours de tournage à Montréal, 4 jours à Tokyo. La pandémie de covid-19 a bousculé la donne, transformant le film en véritable uchronie. "Nadia, Butterfly" sortant en France en plein durant les JO reportés en 2021, on a forcément des sensations bizarres en passant de la retransmission TV d’une épreuve se déroulant sans spectateurs et où le port du masque est de rigueur à ce film racontant les jeux de 2020, des jeux où, que ce soit à l’intérieur de la piscine olympique ou lors de la déambulation de Nadia dans les rues de Tokyo, personne ne porte le masque, où il n’est jamais question de geste barrière et qui se déroulent en présence de spectateurs. En tout cas, les canadiens peuvent se féliciter que la vérité des jeux reportés leur apporte un meilleur résultat que ces faux jeux cinématographiques : le 26 juillet dernier, la canadienne Maggie Mac Neil a obtenu la médaille d’or dans l’épreuve du 100 mètres papillon alors que, dans le film, sa compatriote Nadia Beaudry devait se contenter de la 4ème place dans la même épreuve ! Et le relais 4 x 100 mètres 4 nages féminin, me direz vous ? Alors là, Pascal Plante a fait très fort, le relais du Canada obtenant « en vrai » la médaille de bronze, comme dans le film, précédé, comme dans le film, par l’Australie et les Etats-Unis, avec toutefois, une inversion des médailles entre ces deux pays.
Le choix d’une nageuse de papillon comme personnage central du film n’a bien sûr rien de fortuit : certes, il s’agit de la nage préférée du réalisateur, mais il y a surtout le fait que Nadia est à un moment de son existence où, telle un papillon, elle doit sortir de son cocon, un cocon qui, pour elle, avait le visage de la natation. Malheureusement, cette sortie du cocon ne donne pas forcément les meilleures scènes du film : si on peut apprécier les discussions entre coéquipières pour savoir si les athlètes sont ou non, des gens égoïstes, apprécier le rapport que Nadia entretient avec sa kiné ainsi que la très belle scène au cours de laquelle Nadia agresse verbalement Sébastien, son entraineur, lequel retourne la situation en rappelant leur première rencontre alors que Nadia n’avait que 11 ans, on ne peut pas en dire autant de la virée nocturne de Nadia et de Marie-Pierre. En effet, comme c’est presque toujours le cas dans ce genre de scènes, le plaisir n’est pas au rendez-vous lorsqu’on voit les deux jeunes filles sous l’emprise de l’alcool et de l’ecstasy, d’autant plus que ces scènes, certes nécessaires dans le cadre du film, sont, ici, trop « kechichement » étirées.
"Nadia, Butterfly" est beaucoup plus qu’un film sur le sport. C’est avant tout un film sur un personnage, une jeune femme, qui a pris la décision d’abandonner la pratique de l’activité dans laquelle elle s’était investie depuis des années. Tout en se lâchant, elle se sent un peu perdue, elle ne sait pas trop de quoi son avenir sera fait mais elle se refuse à envisager un retour en arrière concernant cette décision. Tourné dans le milieu de la natation avec de véritables nageuses de haut niveau, "Nadia, Butterfly" respire la véracité. On peut juste regretter que certaines scènes soient trop étirées lors d’une virée nocturne dans la ville de Tokyo.