Azuro est adapté du roman Les Petits chevaux de Tarquinia de Marguerite Duras. Matthieu Rozé, qui ne connaissait pas très bien la bibliographie de la célèbre écrivaine, a lu ce livre durant une tournée d’Oncle Vania où il incarnait le personnage de Astrov. Le metteur en scène se rappelle :
"Cette bande d’amis, cette ambiance d’été, le farniente, l’ennui, la torpeur, le désir, le Campari me faisaient terriblement penser à mes amis avec lesquels je pars chaque été au bord de la Méditerranée. En parallèle, mon fils musicien m’a fait écouter une musique italienne et joyeuse de Erlend Oye (Kings of convenience)."
"En écoutant cette musique et en lisant ce roman, j’ai trouvé l’angle de mon adaptation. Faire ressortir la drôlerie du livre, le décalage entre la réalité et la fiction... Le roman est très dialogué, mais beaucoup de choses se jouent entre les mots. J’ai tout de suite voulu l’adapter sans le dénaturer."
"Je trouvais que ça ferait un beau film d’acteurs. J’ai appelé Gallimard avec timidité et ils ont été adorables, ainsi qu’Outa (Jean Mascolo), le fils de Marguerite Duras. Ils m’ont donné le feu vert. Du coup, j’ai dévoré tout Duras. Ses livres, ses films, ses interviews..."
"Je suis devenu passionné ! Je suis parti travailler à Trouville près des Roches Noires, j’ai développé mon projet et l’ai présenté à des producteurs.trices."
Azuro est teinté de bleu, de rouge et de jaune. Matthieu Rozé a fait en sorte qu’il n’y ait pas de vert et que les couleurs du film reflètent la sécheresse. Il explique : "Le bleu de l’homme, Nuno Lopes, c’est l’infini. Il arrive par la mer, repart par la mer... On pourrait presque imaginer une autre lecture selon laquelle l’homme n’existe pas, n’est qu’un fantasme dans la tête de Sara."
"Il a des scènes un peu magiques, comme quand il nage en fumant ! Il y a aussi un élément singulier dans ce film : on ne sait pas d’où viennent les personnages, quel est leur métier, leur classe sociale. Ils sont en vacances, c’est tout. Sans précisions particulières, chacun peut imaginer qui ils sont exactement. Ça renforce leur universalité."
Matthieu Rozé a choisi Nuno Lopes dans le rôle du séducteur mystérieux après l'avoir vu dans Une fille facile (2019), dans lequel il joue un personnage a priori assez proche de celui qu'il tient dans Azuro (et où il était aussi question de plage, de soleil et de désir !). Toutefois, le cinéaste précise :
"Dans le film de Rebecca Zlotowski, il n’est pas sympa, et même carrément « méchant ». Dans Azuro, au contraire, il n’est que dans la séduction. C’est un acteur d’une grande richesse, extrêmement travailleur, il a bossé son français et son texte comme un fou tous les jours. Nuno est un très grand professionnel."
S'il n'est pas un western, Azuro possède des points communs avec ce célèbre genre cinématographique, comme la chaleur et les visages rouges. Côté références, Matthieu Rozé revendique Michelangelo Antonioni, et La Cienaga de Lucrecia Martel, pour son mélange poisseux de chaleur étouffante, d’alcool et de fatigue :
"Du côté de l’importance de la musique, j’ai pensé à Il était une fois dans l’Ouest... J’ai conscience que ces références sont écrasantes et je les cite avec beaucoup de pincettes. Ce ne sont pas tant des références ou des modèles que des images furtives, des impressions fugaces qui ont peut-être imprégné discrètement mon film."
Matthieu Rozé a fait appel au directeur de la photographie George Lechaptois, qui a entre autres oeuvré sur Une fille facile (une référence pour le metteur en scène). "On a vraiment travaillé les variations chromatiques avec délicatesse. Azuro est un film d’acteurs, donc il n’y a pas eu de mouvements de caméra très compliqués, pas de grues."
"Les scènes de bateau étaient finalement les plus compliquées à tourner : c’etait instable, il fallait deux autres bateaux à côté. On est restés vraiment proches des comédiens et comédiennes. J’avais une obsession. Qu’ils aient toujours chaud. On a même fait une longue séquence en plein soleil, autour d’une table, sans parasol", se rappelle-t-il.
Valérie Donzelli avait joué aux côtés de Thomas Scimeca dans Notre Dame (2019), son cinquième long métrage pour le cinéma.
Matthieu Rozé voulait que l'incendie soit réaliste et qu'il dégage une atmosphère étrange. Il se souvient : "On a eu recours à des effets spéciaux et, malheureusement pour la Région, on a aussi filmé un véritable incendie qui s’est produit pendant le tournage. Cela donne au film un petit aspect avant-apocalypse. En extrapolant un peu, ça pourrait être le dernier été avant que la planète explose climatiquement."
Azuro est le premier long métrage du comédien Matthieu Rozé. Via ce film, il a voulu développer des thémariques comme le couple, l'ennui et l'amitié. Il rpécise : "Ce groupe part en vacances chaque année et peu à peu, une forme d’impudeur les gagne. Tout se voit, tout se sait... A un moment, Sara (Valérie Donzelli) se retrouve dans les bras de son amant (Nuno Lopes) devant son mari (Yannick Choirat) !"
"Elle pousse la situation qu’elle est en train de vivre de façon totalement impudique. L’amant est là, au milieu d’eux. Il y a un couple qui s’engueule tout le temps mais ne se séparera jamais (Maya Sansa et Thomas Scimeca), qui n’a pas d’enfant parce que l’enfant c’est lui. Il y a Sara avec son mari, Pierre, et leur fils. Et puis il y a l’homme (Nuno Lopes), qui n’a pas de nom, qui est l’Homme dans le roman."
"Peut-être me suis-je projeté dans Sara, dans ces moments où l’on se pose des questions sur le couple, et peut-être me suis-je aussi projeté dans Pierre. J’aime beaucoup Pierre qui monte peu à peu en puissance dans le film, qui finit par accepter ce que sa femme est en train de vivre. Il y a une forme d’honnêteté dans ce couple que je trouve assez belle. Et puis il y a l’enfant, balloté au milieu des adultes."