À l’instar de « Coupez » de Michel Hazanavicius, le duo de cinéastes Lise Akoka et Romane Gueret nous promène dans un autre type de galère. À Boulogne-sur-Mer, des enfants turbulents vont se libérer grâce au cinéma. Pourtant, la note d’intention au 7ème Art est loin d’être aussi pure et magique qu’il n’y paraît. Le fait de nous immerger dans l’envers du décor admettra des fissures qu’il convient de comprendre, afin d’évaluer la portée de ce récit, rempli de cœur et de passion. L’élaboration d’une fiction, et plus précisément d’un drame social dans ce cas, constitue avant tout un choc des cultures ou encore des générations, qui apprennent à se redécouvrir à travers les yeux d’autrui.
C’est dans une collaboration, à la fois maîtrisée et imprévisible, que Gabriel (Johan Heldenbergh) cherche à sonder l’émotion que son film devra dégager. Bien qu’il préfère filmer le pire du pire, il n’oublie pas ce qui l’anime par-dessus tout. Fraîchement sorti d’un casting sauvage, il entretient des relations nécessaires avec ses comédiens, essentiellement non-professionnels, afin de montrer ce que l’on peut encore édulcorer. Ce n’est pas autant l’esprit de la cité qui en ressort, car tout cela est une affaire de personnages, qui se regardent à travers un miroir, celui du script ou de la mise en scène. Elle peut paraître artificielle dans sa démarche, ou un peu trop intrusive, mais elle touche une certaine authenticité. L’immersion dans un rôle est le début d’une redécouverte de soi, de ce que l’on ignore réellement de son entourage et de nos sentiments, dont on comprend à peine les subtilités.
Le message d’espoir passe par une belle démonstration de sagesse, là où la frontière de la maturité n’est qu’une illusion, ainsi qu’un autre argument futile, afin que la jeunesse puisse pleinement s’épanouir. Lily (Mallory Wanecques) est emprisonnée dans son élan romantique, à ne pas confondre avec la fille facile. Jessy (Loïc Pech) est le petit délinquant rigolo, mais qui ne mord pas. Maylis (Mélina Vanderplancke) est à contre-courant de tout et son énergie reflète cette rébellion, qui consume sa tranche d’âge, engagée dans le même combat social que le film dépeint. Ryan (Timéo Mahaut) en est l’ambassadeur principal, celui qui devra donner les vrais coups sous la charge émotionnelle, celui qui devra mêler la fiction à sa réalité. Est-il vraiment dans le jeu ? Sont-ils vraiment des caricatures d’eux-mêmes ? L’intrigue s’interroge sans cesse et pousse ces enfants à trouver leur voie, à capituler parfois, mais ils seront toujours tirés vers le haut, grâce à une équipe soudée.
On y fait la belle part aux rôles secondaires, les assistants, régisseurs et autres techniciens, qui accompagnent les comédiens jusqu’au bout du projet. « Les Pires » évoque ce en quoi le cinéma exige, par son cadrage et toutes sortes d’artifices émotionnelles, afin que son sujet puisse vivre. Mais au-delà de cette formalité, une poésie règne dans son contre-champ. Ce premier long-métrage est habile par sa direction d’acteur et son atmosphère à la frontière du documentaire. Il existe alors un espace où l’intimité peut entrer en scène, mais il s’agira de mesurer toutes les limites à travers le regard d’une jeunesse, pleine d’espoirs et de promesses. La sensibilité du cinéaste, et des réalisatrices par extension, rappelle malignement cette fraternité que l’on égare souvent au fil d’une conversation, mais que l’on peut récupérer et garder longtemps avec soi, pourvu que l’on accepte nos démons et que l’on embrasse pleinement nos caprices.