Avant le tournage de L'Ile, Anca Damian a assisté à une conférence sur les minorités à Sundance en 2019 alors qu'elle y présentait son court-métrage, The Call. La réalisatrice se souvient que Tabitha Jackson (directrice de Sundance) a dit que les cinéastes devraient re-raconter des histoires de la mémoire collective coloniale selon un autre angle :
"J’ai pensé à l’histoire de Robinson Crusoé et d’un concert d’Alexander Balanescu et Ada Milea (inspiré de Gellu Naum - un poète roumain juif), ce qui m’a donné l’idée de créer une comédie musicale avec un nouveau Robinson. Ce dernier serait un docteur avec les meilleures intentions du monde, quant à Vendredi il serait réfugié sur une île."
"L’histoire s’est construite comme une fable avec en première partie la relation entre “sauveur et sauvé”, assez ambiguë car finalement on ne sait pas qui sauve qui, puis une réalité qui devient de plus en plus absurde. Robinson commence un voyage imaginaire à la recherche du Paradis mais c’est Vendredi qui le crée à la fin", se rappelle Anca Damian.
Les personnages de L'Ile sont des archétypes : (nouveau) Robinson, Vendredi, la femme de l’ONG / la Sirène, Mary (la mère de Robinson et éventuellement celle de Vendredi), les Pirates ou encore Grand-Maman alias Mère-Nature. Anca Damian explique :
"Ces personnages ont un aspect surréel, mi-réel, mi-imaginaire, soulignant à la fois l’impression “surréelle” et la légèreté d’une cinématographie colorée et divertissante Dans un style à la Monty Python, la métonymie visuelle créée un fossé révélant le drame contemporain à travers le rire."
Anca Damian voulait concevoir une réalité immersive en 3D. La cinéaste confie : "Le concept était que tout ce qui est produit par l’homme ne s’intègre pas à la nature, d’où le choix d’une texture plastique, métal, textile. Ces mêmes textures ont été appliqués pour les vêtements des personnages en 2D. Seuls les éléments naturels sont peints. La palette de couleur est volontairement artificielle, comme dans un paysage de vacances hawaïen, mais il y a comme un malaise à voir des nuages roses chimiques et la mer aussi turquoise."
La technologie est très présente dans le film, avec l’iPad de Robinson qui prend une place importante : "La technologie ne résoudra jamais les problèmes du monde. Au contraire, elle pourrait mener vers des mutations, des décisions prises par algorithmes, créant encore plus de problèmes. La réponse à la solution est toujours en nous, nous pouvons changer pour que le monde suive", raconte Anca Damian.
Le personnage de Vendredi est un migrant. Anca Damian a fait beaucoup de recherches et a rencontré un journaliste qui a suivi pendant deux ans 200 réfugiés sauvés d’un bateau. L'un d’entre eux a particulièrement inspiré la réalisatrice. Elle explique : "Vendredi est en harmonie avec la nature et il arrive à créer un paradis. Lors d’une l’éclipse, la mer se change en or et il obtient le costume de “surhomme”. Comme un prince africain il devient le roi du peuple flottant."