Sepideh Farsi portait depuis une dizaine d’années l’idée d’une histoire d’altérité sur « la rencontre improbable entre deux personnages venant de deux mondes différents. » Elle a d’abord envisagé de tourner à Rome puis a déplacé son cadre dans le pourtour méditerranéen, dans des vieilles cités comme Marseille, avant de finalement filmer Demain je traverse entre Athènes et Mytilène.
La réalisatrice voulait à l'origine se concentrer sur le contexte migratoire en Europe Centrale, alors que son histoire devait se dérouler à Marseille. Mais entre-temps, elle a tourné deux films en Grèce et a été sensibilisée au contexte de la crise économique grecque alors que la situation migratoire s’aggravait. « J’étais plus impliquée dans ces deux contextes parallèles. Et Marseille avait depuis beaucoup changé. Du coup, j’ai placé mon histoire en Grèce. »
Pendant l’écriture du scénario, Sepideh Farsi a effectué plusieurs voyages, notamment sur l’île de Lesbos dans le camp de Moria où elle aurait voulu tourner. Mais pour des raisons de sécurité, cela n’a pas été possible. Un an avant le début du tournage, elle est partie seule à Diyarbakir en Turquie à la recherche des paysages pour la traversée de la Turquie de son personnage masculin. Elle précise : « Depuis Diyarbakir, des amis Kurdes m’ont accompagnée et nous avons traversé tout le Kurdistan turc jusqu’au checkpoint de Kobané. Pour la séquence du bateau, j’ai effectué le véritable trajet sur un navire normal jusqu’à Mytilène. J’ai même passé deux nuits dehors. Mais finalement, on ne tourne jamais exactement là où on le souhaiterait et le tournage a finalement eu lieu à Gaziantep. » L’équipe grecque n’a pas voulu l’accompagner en Turquie, à cause des tensions qu’il y avait entre la Turquie et la Grèce en 2018. Elle a dû tourner avec une équipe turque, à une quarantaine de kilomètres de la zone de combat d’où ils entendaient les tirs.
Dans le camp de réfugiés « Skaramangas », l’équipe a dû tourner plus ou moins en cachette, car il était impossible de le reconstituer avec des décors et des figurants. D’autres plans « volés » ont été faits depuis les trajets en voiture. « J’aime procéder de cette façon car cela oblige à saisir les opportunités et à capter l’essence de la situation, alors que si on reconstitue tout, le contrôle de la scène fait perdre son aspect vivant », explique la réalisatrice.
Sepideh Farsi ne procède pas à de véritables castings mais va à la rencontre d’acteurs qu’elle a repérés, notamment au théâtre. Elle connaissait déjà Marisha Triantafyllidou mais a eu plus de difficultés à trouver l’interprète de Yussof. Par le biais d’un réalisateur syrien rencontré lors d’un festival, elle a contacté via internet un groupe de jeunes acteurs issus de l’école d’art dramatique de Damas qui étaient pour la plupart déjà réfugiés en Europe. « Hanna Issa que j’ai choisi finalement se trouvait à l’époque à Vienne. Il avait fait le même trajet que tous les migrants syriens, en passant par la Grèce. Je l’ai choisi après qu’il m’a envoyé plusieurs vidéos tests. »