Le réalisateur Péter Kerekes et le directeur de la photographie Martin Kollar ont eu l’idée d’un film qui parlerait de censure après que ce dernier est tombé sur un magazine en Arabie saoudite où des bandes noires, tracées à la main, barraient les poitrines et les mini-jupes des femmes. À partir de cette expérience, ils ont passé en revue diverses sortes de censures politiques, dont celle qui s’exerce en prison. “Nous nous sommes rendu compte que les détenus savent que leurs lettres sont lues et que leurs appels sont surveillés. S’ils doivent communiquer autour de leurs activités criminelles, ils utilisent d’autres canaux mais ils écrivent la plupart du temps à leurs épouses, à leurs maîtresses et à leurs mères. Aussi, le rôle d’un surveillant de prison est également de lire 8 heures par jour des lettres d’amour et nous trouvions qu’il y avait là peut-être un beau film à faire”, explique le réalisateur.
Les membres de l'équipe ont rencontré des difficultés lors des repérages en raison du Règlement Général sur la protection des données en Union Européenne. Les directeurs de prison ne leur faisaient pas confiance, pensant avoir affaire à des journalistes d’investigation. “Nous leur répondions que nous voulions faire un film d’amour... même si c’était une combine un peu grossière, je l’admets”, reconnaît le réalisateur.
L’équipe a visité onze prisons sur plusieurs années en Ukraine. C’est à Odessa, dans une prison célèbre au style architectural du 19ème siècle typiquement français, que le réalisateur a rencontré l’une des gardiennes, Iryna Kiryazeva, qui est devenue l’un des personnages principaux du film. “Elle travaille dans une prison où vivent des femmes et des enfants. À la fois gardienne, confidente et parfois amie pour les détenues, elle reste néanmoins une fonctionnaire chargée d’administrer leur peine. Après une longue période de recherche, il m’est apparu que ça devait être le sujet du film.”
Le titre du film fait référence aux 107 mères rencontrées par le réalisateur au cours de ses recherches. “Certains entretiens étaient très courts, d’autres avaient duré 1 heure ou 2. À partir de ces interviews, j’ai construit la structure du film comme une mosaïque.” Le personnage de Lyesa est inspiré d’une rencontre qui l’a particulièrement marqué avec une femme qui avait tué son mari par jalousie et était arrivée en prison enceinte.
Au cours de l’écriture, le personnage principal est devenu mutique. Le réalisateur a décidé de chercher une actrice professionnelle qui puisse être un miroir pour les prisonnières. “Elle a en tout et pour tout 7 lignes de dialogue dans le film. Mais sur son visage, on peut sentir les histoires des prisonnières.” Maryna Klimova a passé beaucoup de temps en amont du tournage avec les détenues, qui jouent leur propre rôle dans le film. “Je ne leur ai jamais demandé de faire quoi que ce soit, je ne les ai pas dirigées. Je les ai simplement observées et écoutées. Et ce qu’elles avaient envie de partager avec moi, se retrouve dans le film”, raconte le cinéaste.