Loup Bureau signe son premier long-métrage avec Tranchées. Il a auparavant passé plusieurs années en tant que reporter de guerre à l’étranger : il a couvert le Printemps Arabe en Égypte, la guerre en Syrie et le conflit entre la Russie et l’Ukraine dans la région du Donbas.
En juillet 2017, dans un contexte d’attaques contre la liberté de la presse en Turquie, Loup Bureau est arrêté à la frontière avec l’Irak alors qu’il est en reportage. Accusé de terrorisme, il est condamné à une peine de 25 années de prison. En septembre 2017, les autorités turques, sous la pression diplomatique, accepte de le libérer. « Cette épreuve a transformé mon être profond. Mon existence a été endommagée, mais paradoxalement, elle n’a pas entaché mon désir de raconter. Je ne suis pas devenu meilleur, simplement plus vivant. »
Une fois libéré de prison, Loup Bureau est retourné en Ukraine avec un nouveau regard et, dans les tranchées, il a découvert des similarités avec son expérience de détenu : « L’enfermement psychologique, la peur de mourir ou encore l’incertitude, résonnaient différemment depuis ma détention. » C’est ainsi qu’il a décidé de se lancer dans la réalisation de Tranchées : « C’est à ce moment que j’ai compris qu’aucun reportage ne pourrait raconter ce que je voyais naître dans mon esprit, que ces émotions, ces liens sociaux ne pourraient exister qu’à travers un temps long, qu’à travers un regard différent, en soi, qu’à travers le cinéma ».
Le haut-commandement ukrainien ignore l’existence de ce documentaire. C’est grâce à Dima, traducteur et ami proche du réalisateur, que Tranchées a pu se faire. Ancien soldat, il a conservé des connexions dans certaines brigades de l’armée ukrainienne de l’époque. Il a ainsi pu approcher des commandants locaux qui avaient confiance en lui. Lui et le réalisateur n’ont pas annoncé qu’ils comptaient rester pendant des mois. Cette discrétion leur a permis d’avoir un accès inédit au conflit, comme le raconte Loup Bureau : « Normalement, les journalistes et les réalisateurs ne sont autorisés à rester que quelques jours sur la ligne de front, et sous la surveillance d’un attaché de presse. Ils ne peuvent pas non plus dormir dans les tranchées avec les soldats. Dans notre cas, nous étions totalement libres. »
Les premiers repérages ont débuté en 2018. Le réalisateur s’est rendu plusieurs fois sur la ligne de front pour trouver l’endroit adéquat, rencontrer les soldats et évaluer la faisabilité du projet : « J’ai mis deux ans environ pour trouver ma place. Le tournage a duré environ 3 mois, mais je n’ai pas beaucoup filmé pour un documentaire. Un total d’environ 70 heures. Le plus important ce n’était pas le nombre de rushes, mais la qualité des moments filmés. »